SOMMAIRE du Numéro 4 :

Nos lointains cousins : les Bruneteau des Amériques

La vie municipale voici 200 ans : Louis Souché, maire en 1795

En résidence surveillée en 1940 : les juifs réfugiés à Saint-Sauvant

Villages d'hier et d'aujourd'hui : Nillé

Souvenirs : l'onglée

Retour au pays : Jean Tabary, dessinateur de B.D.

Le poirion au goût du jour


Nos lointains cousins

 

LES BRUNETEAU DU CANADA

ET DES ÉTATS-UNIS

 

Alain BRUNETEAU

 

A la fin du 19e siècle, Modéré Bruneteau, du village de la Forêt, s’est installé au Canada avec sa jeune femme Yvonne Gaudin et quelques autres membres de sa famille. A l’automne 2001, son arrière-petite-fille, Karen Bruneteau, cherche les traces de cet aïeul. M. Alain Bruneteau, un médecin anesthésiste bordelais en retraite, son correspondant en France, raconte ici l’histoire de cette recherche1 et l’histoire de cette famille poitevine désormais implantée au Canada et aux Etats-Unis.

 

En octobre 2001, je reçois un message d’une jeune Américaine, Karen Bruneteau, d’Omaha, dans le Nebraska (U.S.A.), en quête de ses origines. Elle se demandait si nous n’avions pas de liens de parenté.

Très vite, nous nous sommes aperçus qu’il s’agissait d’une simple homonymie, puisque ma famille est originaire de Charente-Maritime, tandis que la sienne est originaire de Saint-Sauvant. En raison des difficultés qu’elle rencontrait, ne parlant pas le français et résidant aux U.S.A., j’ai essayé de l’aider et je suis allé à la mairie de Saint-Sauvant où j’ai pu retrouver ses ancêtres.

 

Poitou-Manitoba-Chili-Manitoba

 

C’est en 1887 – il avait à peine 20 ans – que Modéré Bruneteau, originaire de Saint-Sauvant2, est parti une première fois au Canada.

Il fit un second voyage quelques années plus tard ramenant son épouse Yvonne Clarisse Gaudin, originaire des Deux-Sèvres. Ils se sont installés dans le Manitoba, à Saint-Boniface. Voici ce qu’on apprend de lui dans un livre sur Les Français dans l’Ouest Canadien3 :

« Nous aurions pu inscrire en tête des pionniers de Saint-Boniface les noms de Modéré Bruneteau et de Jean-Marie Gourbil, mais ces pionniers tranchèrent un peu sur les autres. Né à Poitiers4, Bruneteteau était venu pour la première fois dès 1887, à l’âge de 19 ans. Il retourna en France cinq ou six ans plus tard pour son service militaire.

Entre temps, Jean-Marie Gourbil, de Conquereuil (Loire-Atlantique), arrivait au Manitoba en 1893 (…). Il prenait assez vite la route du Chili. Bruneteau, qui venait de se marier, alla l’y rejoindre avec sa femme et sa sœur, que devait épouser Gourbil. Mais celui-ci resta seul en Amérique du Sud.

Le reste de la famille opta définitivement pour le Manitoba. Elle vint s’établir à Sainte-Geneviève et devait vivre surtout à Saint-Boniface, où Modéré Bruneteau fut longtemps concierge à l’Ecole Provencher et jouissait d’un solide renom de rebouteur (…) Il est mort en 1939 ».

Malheureusement, nous ne trouvons pas l’élément expliquant l’esprit aventureux de ce garçon de 19 ans ni les raisons qui l’ont poussé à partir vers le Canada plutôt que vers les colonies françaises. Y aurait-il eu, après la guerre de 1870, un flux migratoire poitevin vers le Canada et l’espoir d’y découvrir un nouvel Eldorado ?

 

 

Un second voyage avec femme, parents, sœur et beau-frère

 

Dans cet ouvrage, on apprend que Modéré Bruneteau réussit, pour son second voyage, à repartir non seulement avec sa jeune femme, mais aussi à convaincre une partie de sa famille poitevine de le suivre au Canada.

« A son second voyage, il avait amené ses parents (il s’agit de François Bruneteau, né le 2 février 1841, à Saint-Sauvant et de Madeleine Terrasson, née en 1840), son beau-frère Louis Bouchet et sa femme née Virginie Bruneteau ».

 

Les huit enfants de Modéré Bruneteau

et Yvonne Gaudin

 

Modéré Bruneteau et Yvonne Gaudin ont eu huit enfants :

- Arica, morte à la naissance, sur le bateau Arica, dont elle porte le nom. Ils auraient caché son décès et l’auraient enterrée sous un arbre en France !

- Henriette, épouse de Joseph Dufault, née en 1899 et morte en 1973, à Dauphin (Manitoba) ;

- Madeleine, décédée à Saint-Boniface (Manitoba) ;

- Hélène, épouse de Janvier Normandeau, née et morte à Saint-Boniface (Manitoba) ;

- Geneviève, épouse de Royce Marts, née en 1905 à Sainte-Geneviève (Manitoba), morte en 1986 à Des Moines (Iowa, US.A.) ;

- Jean Gaston, époux de Georgette Nuytten, né en 1910 à Poitiers, décédé en 1966 à Winnipeg (Manitoba) ;

- Modéré, époux de Norma Abee, né en 1914 à Saint-Boniface, mort en 1982 à Port Isabel (Texas, U.S.A.) ;

- Edward, époux d’Annette Gatin, né en 1919 à Saint-Boniface, est décédé en août 2002. Il a vécu avec une nombreuse descendance à Omaha, dans le Nebraska (U.S.A.). C’était le grand-père de ma correspondante, Karen Bruneteau, qui a épousé, le 28 septembre 2002, Corbin Klower.

 

Des champions de hockey sur glace

 

La plupart des enfants de Modéré Bruneteau et d’Yvonne Gaudin sont restés au Canada. Les deux derniers, Modéré et Edward se sont distingués comme joueurs professionnels de hockey sur glace.

Modéré, surnommé Mud, est resté très célèbre dans les annales du hockey, car il a marqué, le 24 mars 1936, le but victorieux mettant fin à la plus longue partie de toute l’histoire du hockey. Aujourd’hui encore, si l’on recherche Bruneteau sur Internet (par exemple sur www.google.com), il existe des dizaines d’articles qui lui sont consacrés.

Au moment des phases finales, les médias, que ce soit la presse ou la radio, font toujours un reportage sur son exploit.

Son jeune frère, Edward, grand-père de Karen, que l’on retrouve aussi sur Internet, a joué avec lui pour les Reds Wings de Détroit et dans plusieurs autres équipes du nord des Etats-Unis. Il a terminé sa carrière dans l’équipe des Omaha Knights, dont il est devenu entraîneur. Edward, décédé en août 2002, a été salué par la presse locale comme un homme dont la renommée semble avoir été exceptionnelle. Retenons une phrase : « Il était une icône absolue dans le sport de cette ville ». Lors de la cérémonie funèbre, 25 joueurs de hockey minimes faisaient une haie d’honneur avec leurs crosses, martelant le sol avec celles-ci à la sortie du cercueil.

Le hockey est une véritable tradition familiale chez les Bruneteau d’Amérique : le fils d’Edward, Richard, chirurgien réputé à Omaha, s’occupe de l’équipe de hockey locale où jouent ses quatre fils âgés de 8 à 13 ans.

 

Très attachés à leurs racines françaises

 

Malheureusement, l’usage du français se perd dans la famille. Seul Edward et sa femme Annette parlaient encore un peu le français. Avec la disparition d’Edward, le français ne sera sans doute plus jamais utilisé dans la famille. C’est en anglais que nous communiquons par Internet avec Karen, bien que mon anglais soit très scolaire.

Cependant leurs enfants et petits enfants sont restés très attachés à leurs racines françaises.

Ils ont été très enthousiasmés par les renseignements généalogiques, le livre de cartes postales de Saint-Sauvant et les photos prises (le 25 mars) à Saint-Sauvant.

Bien entendu, toutes les informations concernant les Bruneteau, Saint-Sauvant et sa région les passionnent. Karen m’a dit que nous avons apporté beaucoup de joie aux derniers jours de son grand-père avec nos recherches généalogiques. Très fiers de leurs origines françaises, ils avaient affiché chez eux l’arbre généalogique et le montraient à tous leurs visiteurs.

Par Internet, ils ont retrouvé des cousins lointains de France qui tous remontent au couple commun le plus ancien qui soit connu : Jacques Bruneteau, né vers 1621 et Marie Delouche.

Karen Bruneteau a épousé Corbin Klower le 28 septembre 2002

Karen Bruneteau et ses proches : huit Bruneteau sur onze personnes

 

Modéré Bruneteau dit « Mud », célèbre champion de hockey sur glace.

 

La victoire de « Mud » BRUNETEAU, le 24 mars 1936

Le 24 mars 1836, le club des Reds Wings (Ailes Rouges) de Détroit et celui des Montréal Maroons ont joué la plus longue partie de la Ligue nationale de hockey sur glace. Le match a atteint la neuvième période (six périodes supplémentaires) et, comme on peut l’imaginer, les deux équipes ont été épuisées et fatiguées au delà de toute compréhension (…) Les équipes ont commencé à compter de plus en plus sur de plus jeunes joueurs inexpérimentés pour continuer le marathon. Un de ces rookies (débutants) était Modéré Bruneteau, le plus jeune joueur sur la glace cette nuit [il n’a que 17 ans].

A la 16e minute de la 9e période, Bruneteau a recueilli le palet dans la zone de Détroit. Il a fait une passe à Hec Kilrea, qui va ensuite défier la défense de Montréal. Il a feinté une passe en retrait et puis a glissé à travers la ligne bleue, derrière la défense de Montréal. Brunetau passe derrière la défense et envoie le palet dans la cage du goal de Montréal, Lorne Chabot. Le rookie a gagné la partie et est devenu une légende du hockey.

« Dieu merci, dit Bruneteau, soulagé. Chabot est tombé pendant que je tirais dans le filet. La chose la plus drôle c’est que le palet est resté coincé là, dans le filet, et n’est pas tombé sur la glace ».

C’était comme si le palet était aussi fatigué que les joueurs.

 

D’après Joe Pelletier, correspondant

(sur le site Internet http://www.lcshockey.com/issues/120/120.mud.asp)

 

Les ancêtres saint-sauvantais de Modéré BRUNETEAU Modéré Bruneteau a quitté son village de la Forêt une première fois en 1887, à l’âge de 19 ans. Ci-contre, ses ancêtres sont connus sur six générations (Tableau réalisé par Alain Bruneteau).


La vie municipale

 

4. LOUIS SOUCHÉ, AUBERGISTE ET LABOUREUR,

MAIRE EN 1795

 

Guy PUAUD

 

Si l’on tient compte du retour, comme maire, de Belleroche, en 1793 et 1794, le quatrième maire de Saint-Sauvant est Louis Souché, aubergiste dans le bourg et laboureur à Chiré. Il a dû être maire de janvier à octobre 1795, son mandat ayant pris fin avec le Directoire et la mise en place de la nouvelle municipalité cantonale. Il a 44 ans. Après deux maires notaires, voici un maire aubergiste et laboureur.

 

Louis Souché est originaire de Salles (Deux-Sèvres) où son père, Louis Souché, est marchand minotier. Né le 25 avril 17531, il se marie le 2 septembre 1772, à l’église catholique de Saint-Sauvant, avec Marie Demellier, fille de Samuel Demellier, fermier du logis noble de la Contentinière, et de Magdeleine Andrault sœur de François Andrault, le notaire, maire en 1791 et 1792. Louis Souché se marie donc avec la nièce du précédent maire. Sa dot de mariage est confortable : 1.000 livres. Celle de sa femme est de « pareille somme ».

 

Aubergiste dans le bourg

et laboureur à Chiré

 

Louis Souché est aubergiste au bourg, le 14 décembre 1773, lors du baptême de leur première fille, Marie Magdeleine. Ils auront cinq autres enfants : François, en 1776, Louise en 1778, Jeanne en 1783, Louis Dominique en 1786 et Jean Baptiste en 1789. Deux, Marie Magdeleine et Louis Dominique, mourront en bas âge.

Bien que marié à l’église catholique avec une femme catholique, bien qu’ayant fait baptiser ses enfants catholiques, on apprendra, en 1808, qu’il est protestant2.

Par un bail emphytéotique du 9 avril 1781, Louis Souché et Marie Demellier prennent à ferme ce que l’on nomme la petite métairie3 de Chiré appartenant aux Augustins de Poitiers4.

Louis Souché achètera cette métairie, vendue comme bien national, le 31 mai 1791. Comme il en était le fermier, personne n’a voulu le gêner, car il fut le seul enchérisseur5.

 

D’abord procureur de la commune

 

Ses premières responsabilités sont celles de procureur de la commune. Il exerce cette fonction dans la première municipalité de la Révolution, en remplacement de Pierre Demellier, son beau-frère, élu membre du conseil du district de Lusignan, le 13 juillet 17906.

Louis Souché est procureur, lorsqu’il achète un champ près de Bourleuf, commune d’Avon, le 18 septembre 17907. Dans cette fonction, il achète, le 17 juillet 1791, au nom de la commune, la cour à battre les blés du « ci-devant prieuré », vendue comme bien national, ce qui permettra d’agrandir la place de l’église8.

Il a dû rester procureur tant que la fonction a existé, jusqu’en décembre 1793, date de création de l’agent national représentant le pouvoir central.

 

 

Maire pendant 10 mois

 

Entre temps, il perd sa femme, Marie Demellier, le 7.10.1791. Il se remariera avec Magdeleine Bruneau, protestante, dont il aura deux enfants : Marie, le 10 mars 1793, et Louis, le 29 ventôse an 4 (19 mars 1796).

 

Louis Souché est maire le 14 nivôse an 3 (3 janvier 1795), lorsque Louis Minot, laboureur au Breuil Cartais, déclare la naissance de sa fille Magdeleine. Il l’est encore le 6 fructidor an 3 (23 août) lorsqu’il achète « la Petite métairie du Petit Pré » à Annemarie, d’une surface de 74 boisselées (près de 19 hectares)9. Mais il a dû exercer la fonction jusqu’à l’élection, le 10 brumaire an 4 (1er novembre 1795), du président de la nouvelle municipalité cantonale.

On a quelques traces de son mandat10 et de celui de son équipe municipale, dont Jacques Bernard, Jean-Baptiste Ferré, Nivelle, P. Thoreau, officiers municipaux, P. Delouche, C. Dupuis, Jean Biget, notables.

En pluviôse, ils doivent accélérer les livraisons de froment et de baillarge pour la commune de Poitiers et pour l’hospice de Lusignan. Les réquisitions de froment continuent en ventôse.

La commune poursuit son procès contre François Motillon qui a des prétentions sur une partie de la place publique où a lieu le marché aux cochons.

Et, en fructidor, il faut fournir la liste des jeunes gens de 18 à 25 ans et des volontaires qui devront partir défendre la patrie.

 

François Barré, secrétaire greffier

 

Depuis le départ de François Suire, maître d’école et greffier de la municipalité, avec la réquisition des 18-25 ans, en septembre 1793, la place de greffier est vacante. Sous le second mandat de Belleroche, le 20 floréal an 2 (9 mai 1794), la municipalité a nommé un remplaçant : « Le citoyen François Barré, agent national, a réuny tous les suffrages ».

Un vote unanime suivi de ce commentaire : « Il y a lieu de croire quil pourra mieux servir la chose publique dans cette fonction que dans celle dagent national… qui se trouve vacante ». Barré restera greffier pendant cinq ans et signera de temps en temps « agent national ».


En résidence surveillée en 1940

 

LES JUIFS RÉFUGIÉS À SAINT-SAUVANT

 

Nous avons reçu de M. Yves Macheteau, originaire de la Simalière, habitant Paris, cet émouvant poème « A Eva ». Un ultime hommage à une jeune fille juive d’origine polonaise, réfugiée à Saint-Sauvant pendant la dernière guerre, de la part de celui qui était alors un petit garçon de 6 ans.

 

Selon les archives municipales, 135 juifs sont arrivés à Saint-Sauvant le 3 décembre 1940, parmi un convoi de 244 réfugiés appelés « les réfugiés de la Gironde ». Car tous venaient de Libourne et Bouliac (Gironde). Ces réfugiés de différentes nationalités - Français et Polonais, pour la plupart, mais aussi Hollandais, Tchèques, Allemands, Belges, Irlandais, Autrichiens, Luxembourgeois, également un Russe, un Suisse, un Britannique - dont certains travaillaient à Longwy (Meurthe-et-Moselle) ou aux aciéries de Longwy à Sedan (Ardennes), avaient fui devant les Allemands qui les ont internés et ramenés à Saint-Sauvant.

Tous ces réfugiés étaient logés dans des familles dont les chambres avaient été réquisitionnées. Ils mangeaient à la salle paroissiale.

Le 15 juillet 1941, 33 juifs désignés par les Allemands furent emmenés au camp de la route de Limoges à Poitiers, puis déportés dans les camps de la mort en Allemagne. D’autres rafles n’ont pas laissé de traces écrites. La plupart sont morts en déportation.

 

A Eva

 

Je pense à cette guerre aux funestes effets,

A tous ces innocents qui souvent furent défaits,

Combien de souvenirs présents dans ma mémoire,

Et ce triste passé a marqué ma mémoire.

Mes parents hébergèrent au cours de cette période,

Une fille ravissante, victime de l’exode.

Dans ce milieu rural, nous subissons l’ennemi,

L’avenir semblait obscur, mais n’étions pas soumis.

C’était une jeune juive, elle n’avait pas vingt ans,

Une belle chevelure, un visage rayonnant.

Eva participait à la vie quotidienne,

Et notre famille était aussi la sienne.

Encore petit enfant, elle prenait soin de moi,

Je m’en souviens sans cesse avec beaucoup d’émoi.

J’aimais à ses côtés parcourir la campagne,

Semblable à celui que l’ange accompagne.

Elle m’expliquait les choses, parlait de ses études,

Elle voulait les reprendre, espérant la quiétude.

Elle concevait l’avenir, et avec des sanglots,

Chantait des chants immortels, que je trouvais très beaux.

Elle appréciait la vie, ayant toujours confiance,

Mais l’horrible délation signait une vengeance.

Souhaitant éliminer partout le judaïsme,

La loi de l’occupant était celle du nazisme.

Alors, un jour bien noir, on est venu nous prendre,

Celle que nous adorions et qui était si tendre.

C’était le désarroi, nos cœurs furent meurtris,

Le doux regard d’Eva lentement s’était flétri.

Elle ignorait encore son terrible destin,

Quand le soir subitement se confond au matin.

Elle me prit dans ses bras, me pressa fortement :

Je reviendrai très vite, me dit-elle calmement.

Hélas, dans un camp de la mort elle fut emmenée,

Et mon âme à jamais sera ainsi peinée.

Dans mes rêves parfois, une cheminée qui fume,

Et son corps transporté dans l’océan des brumes.

Pour toutes ces victimes de l’extermination,

L’holocauste a été l’opprobre d’une nation.

Je conserve d’Eva un fidèle souvenir,

Ô jeunesse emportée, Ô funeste devenir.

 

Yves MACHETEAU

Une famille totalement disparue

 

La famille d’Eva était originaire de Pologne où sont nés son père Musem Lewkowicz en 1891, sa mère Hélène, en 1893. Les deux filles, Eva et Ida sont nées à Wittlich, Allemagne, en 1920 et 1924 et sans doute aussi leur frère Joseph, né en 1926. Toute la famille est arrivée en France en 1930. Peut-être fuyait-elle la montée du nazisme ?

Arrivés à Saint-Sauvant le 3 décembre 1940, avec les « réfugiés de la Gironde », les Lewkowicz ont été accueillis dans trois familles : les parents et le fils chez les Pelat, dans le bourg, Eva chez les Macheteau, à la Simalière et Ida, chez leurs voisins Bonmort. Le père est alors cordonnier et les deux filles étudiantes.

On le verra plus loin : aucun ne figure dans la liste de la rafle du 15 juillet 1941. Mais tous sont partis dans les camps d’extermination, et tous y ont trouvé la mort. Nous le savons par leur cousin, J. Lewkowicz, tenant un magasin de bonneterie et articles divers à Saint-Léonard (Haute Vienne), qui, dans une lettre du 10 août 1945, disait que « personne n’est hélas revenu ».

 

Souvenirs d’une rafle

 

Roger Augustin, ancien maçon, du bourg, se souvient d’une rafle de juifs « un matin de juin 1943 », pense-t-il, mais il ne se rappelle pas exactement. Il avait alors 20 ans. Son témoignage laisse penser que d’autres juifs sont arrivés de Nantes au printemps 1943.

 

Ils étaient dans la maison du père Baillot, rue de la mare, à côté du château à Xavier Bernard chez Pierre et Jean Derocq aujourd’hui. Ils étaient à peine une dizaine, au moins deux familles. Y’avait pas longtemps qu’ils étaient à Saint-Sauvant, peut-être un mois. Ils venaient de Nantes.

Il faisait à peine jour. C’était peut-être à six heures du matin. Quatre ou cinq soldats allemands les regroupaient sur la place.

Ça nous avait frappé. Pourquoi ils emmenaient ces gens-là ? On ne savait pas que c’étaient des juifs. On l’a su après. On savait seulement que c’étaient des réfugiés.

 

Les 33 juifs de la rafle du 15 juillet 1941

 

Voici quelques éléments d’identité des 33 juifs réfugiés à Saint-

Sauvant et emmenés au camp de la route de Limoges le 15 juillet 1941, puis déportés.

 

FISCHER Otto (né le 8.9.1895 à Znojmo, Tchécoslovaquie).

KESTENBAUM Osias (6.7.1904, Prakiniki), ébéniste, Rachel (15.5.1908, Wislum), Michel (4.11.1933, Lunéville).

LANDSMANN Aziel (10.10.1896, Gombin, Pologne), Anna (28.3.1892, Wloeslawek, Pologne), Marc (14.6.1923, Metz), Feiga (27.8.1928), Rosa (30.2.1932).

NIEDERMAN Régine (28.1.1899, Kolen, Pologne).

RAK Herman (15.5.1893, Blaski, Pologne), Mindla (14.8.1896, Zelon, Pologne), Gisèle (26.3.1925), Anna (30.10.1927).

SCHOEMANN Sigismund (18.8.1870, Croev, Allemagne), Emma (8.8.1875, Alsevz, Allemagne).

SPITZER Eugène (24.1.1896, Mor Ostrawa, Tchécoslovaquie), Badiska (1.2.1908, Karvina, Tchécoslovaquie), Lucie (16.1.1925, Mor Ostrawa).

STERN Elias (9.9.1889, Maidan, Pologne), Rachel (7.12.1890, Koloniya, Pologne), Marcel (26 1.1831, Nancy), Suzanne (2.9.1934, Nancy), Jeanne (20.8.1939, Nancy).

STNEINBERG Samuel (15.1.1884, Kolm, Pologne).

WADZIALOWSKI Chaïm (20.12.1907, Czestochowa, Pologne), Régina (1.2.1905, Uston, Pologne), Gaston (17.8.1934).

ZAYDMAN Jacob (28.4.1895, Plawno, Pologne), Lyna (8.10.1899, Hock, Pologne), Henri (27.2.1924, Nancy), Pauline (16.5.1929, Nancy).

ZAYDEWARK Félix (3.9.1922, Pologne).

 

 

Cinq survivants

 

Parmi les 35 personnes de cette rafle du 15 juillet 1941, on connaît cinq survivants qui ont écrit à la mairie de Saint-Sauvant dans les années 1990 pour leurs dossiers de victimes de guerre.

Mme Bliscaux, née Paulette Zaydman, de Sarreguemines (Moselle) a échangé plusieurs courriers avec la mairie de Saint-Sauvant, puis, plus précisément avec Louis Lécrivain, d’octobre à décembre 1994. « Nous avons, écrit-elle, été ramassés par les Allemands en 1941 et [je suis la] seule survivante ». Elle voulait revoir la maison où, avec ses parents et son frère Henri, 15 ans, elle avait été logée, rue de la Croix, une maison de l’avoué Quintard, de Poitiers. Elle avait 11 ans et allait à l’école communale.

Ses parents, d’origine polonaise, étaient arrivés en France en 1923. Ils vivaient à Nancy d’où, comme beaucoup de familles juives d’Alsace-Lorraine, ils ont fui devant l’arrivée des Allemands.

La jeune Paulette, conduite au camp de la route de Limoges, le 15 juillet 1941, en sera libérée en décembre, avec une quarantaine d’autres enfants, à l’initiative du père Fleury, un prêtre catholique et du rabbin Bloch.

Arrêtés de nouveau en mai 1943, les enfants retournent au camp d’internement de Poitiers. Paulette n’y restera que trois jours. A 14 ans, elle s’évade, avec ses cousins, pour rejoindre Chambéry. Son frère Henri a aussi échappé à la mort, mais on ne sait pas comment.

Cette femme, en mai 1995, a pu revoir la maison du bourg où elle avait été réfugiée et rencontrer deux amies d’enfance, Félicia et Toptia, internées comme elle au camp de la route de Limoges, qu’elles ont revues ensemble. Félicia et sa sœur s’en étaient évadées également, pour la Corrèze. Elles avaient été 52 ans sans se revoir.

Mlle Suzanne Stern , de Brignoles (Var), a écrit à la mairie de Saint-Sauvant en août 1997 pour elle et son frère Marcel. On ne sait pas comment ils ont échappé à la mort, mais elle écrit que ses parents et leur petite sœur née en 1939 sont morts à Auschwitz.

Un autre frère, Roger, 16 ans, qui ne fut pas de la rafle du 15 juillet 1941, avait pu s’enfuir ; mais il a trouvé la mort, vers 25 ans, en Israël. Cette famille de Nancy, mais d’origine polonaise, était entrée en France en 1928.

M. Féliks Zajdenwarg, de Sommières (Gard), a également écrit à la mairie en septembre 1998. D’origine polonaise, il est arrivé à Saint-Sauvant à l’âge de 18 ans.

 

Avec lui, on apprend les conditions de la venue de ces nombreux juifs à Saint-Sauvant : « Le 3 décembre 1940, les autorités d’occupation nous ont assignés à résidence forcée et surveillée avec obligation de se présenter tous les matins à votre mairie, et ce, jusqu’au 15 juillet 1941, date à laquelle ces autorités ont procédé à notre arrestation et [nous ont] transférés au camp d’internement de Poitiers ».

Il garde le meilleur souvenir de l’accueil des habitants de Saint-Sauvant : « Je voudrais vous faire part de ma gratitude envers la population de Saint-Sauvant qui, durant notre séjour, s’était montrée très accueillante, et nous avait souvent aidés».


NILLÉ

Clara MOTILLON

LES PROPRIÉTAIRES EN 1836

Voici la liste de propriétaires, conservée aux archives départementales (matrices cadastrales de Saint Sauvant, registre 1475). On y verra bon nombre de nos maisons actuelles, des maisons disparues, des bâtiments disparus.

627 POUILLOUX Jean, demeurant à Nillé (bâtiment).

635 SENELLIER Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment).

636 POUILLOUX Jean, demeurant à Nillé, (maison).

637 MAGNEN Daniel (bâtiment et cour).

654 BOUGOIN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

655 LAMBERTON Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

656 BOUGOIN Jacques, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

657 BOUGOIN Jacques, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

659 SENELLIER Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

660 SENELLIER Pierre, demeurant à Nillé (maison).

661 MAGNEN Daniel, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

662 SAPIN Jacques, demeurant à Nillé (Maison, bâtiment et cour).

674 ALLEAU (bâtiment).

675 MACOUIN Daniel, demeurant à l’Epine (bâtiment et cour).

676 COMIT Jean, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

679 DELOUCHE, demeurant à Nillé (maison et grange).

683 ALLEAU pierre, demeurant à la Guérinière (bâtiment et cour).

684 DELOUCHE, demeurant à Nillé (bâtiment).

685 MARTIN Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

686 BOUGOIN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

687 MARTIN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

687 bis PHILIPPONEAU (bâtiment).

688 LAMBERTON, demeurant à Nillé (masure).

689 COMIT Jean, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

690 SAPIN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

691 DELOUCHE Daniel, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

694 ALLEAU Pierre, demeurant à la Guérinière (maison).

696 DELOUCHE Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

697 ALLEAU Pierre, demeurant à la Guérinière (bâtiment).

698 PHILIPPONEAU Jonas, demeurant à Pamproux (bâtiment et cour).

699 DELOUCHE Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

700 MARTIN Jacques, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

702 ROULLEAU Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

717 BRUNETEAU Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

720 MAGNEN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

721 BRUNETEAU Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

722 ROULLEAU Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

723 BOUGOIN Jacques, demeurant à Nillé (maison et bâtiment).

730 LACROIX Pierre, demeurant à Villeneuve (maison, bâtiment et cour).

731 BARRILLOT Samuel, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

732 LA CROIX Pierre, demeurant à Villeneuve (bâtiment et cour).

733 LAMBERTON, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

735 MARCAULT (bâtiment).

737 LA CROIX Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment et cour).

738 SIGNEURIN pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

739 EPRINCHARD Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

740 JOLLY Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

746 MARTIN Louis, demeurant à Nillé (bâtiment).

751 NIVELLE Louis, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

756 GARNIER Pierre, demeurant à Parandeau (maison, bâtiment et cour).

757 MARTIN Louis, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

761 GUENIGAULT, demeurant à Savigné (bâtiment).

762 SINGNEURIN Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment).

763 MARTIN Jacques, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

766 MARTIN Jacques, demeurant à Nillé (bâtiment).

767 NIVELLE Louis, demeurant à Nillé (bâtiment).

768 MACCOIN Jean, demeurant à Poutor (maison, bâtiment et cour).

769 BRUNET, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

773 GUENIGAULT, demeurant à Savigné (maison, bâtiment et cour).

774 SINGNEURIN Pierre, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

776 LAMBERTON, demeurant à Nillé (maison, bâtiment et cour).

841 SINGNEURIN Pierre, demeurant à Nillé (bâtiment).

 

LES HABITANTS EN 1836

 

 

Voici la liste des habitants présents à Nillé en 1836. Le village était composé de 133 personnes, habitant 28 foyers.

 

- MARTIN Louis, cultivateur (58 ans) ; sa femme NIVELLE Suzanne (45 ans) et leurs enfants : Marie (18 ans), Jacques (14 ans), Suzanne (10 ans) et Madeleine (8 ans). Dans le même foyer, habitent aussi DELOUCHE François (25 ans) et TEXIER Marie (18 ans).

- BRUNETEAU Louise, veuve (65 ans).

- NIVELLE Louis, cultivateur (78 ans) ; sa femme DELOUCHE Madeleine (59 ans) et son fils NIVELLE Louis (48 ans).

- AUBOIN Pierre, journalier (40 ans) ; sa femme SAPIN Marie (45 ans) et leurs enfants : Pierre (17 ans), Jacques (15 ans), Louise (11 ans), François (9 ans), Louis (5 ans), Madeleine (2 ans) et Suzanne (2 mois). Dans le même foyer : AUBOIN Marie, domestique (42 ans).

- MARTIN Jacques, propriétaire (52 ans) et sa femme NIVELLE Marie (54 ans).

- BRUNET François, cultivateur (64 ans) et sa femme SENNELIER Marie (44 ans).

- COTREAU Marie, journalière (60 ans).

- SEIGNEURIN Pierre (64 ans) et les enfants : Jean (32 ans), Pierre (26 ans), Jacques (14 ans), et François (9 ans). Dans le même foyer : GEOFFRION Louise (44 ans) et PEROCHON Suzanne, domestique (44 ans).

- LAMBERTON François, cultivateur (46 ans), sa femme MAGNEN Madeleine (49 ans) et sa fille LAMBERTON Madeleine (6 ans).

- BRUNETEAU Madeleine, veuve (64 ans) et ses enfants SEIGNEURIN Pierre, journalier (25 ans) et SEIGNEURIN Marie (28 ans).

- EPRINCHARD Pierre, journalier (36 ans), sa femme MARSAULT Marie (30 ans) et les enfants : EPRINCHARD François (19 ans) et EPRINCHARD Marie (8 ans).

- JOLLIT Pierre, cantonnier (40 ans), DELOUCHE Louise (32 ans), JOLLIT Suzanne, jeune fille (19 ans) et les enfants JOLLIT Pierre (10 ans), JOLLIT Louis (3 ans).

- CLERC François, cultivateur (56 ans) et les enfants CLERC François (16 ans), CLERC Pierre (10 ans), CLERC Jacques (7 ans) et CLERC Elisabeth (4 ans).

- MARSAULT Louis, journalier (30 ans), MARSAULT Marie Anne (30 ans) et les enfants MARSAULT Marianne (3 ans) et MARSAULT Jean (1 an).

- BARILLOT Samuel, journalier (46 ans), MARSAC Madeleine (40 ans) et l’enfant BARILLOT Jean (2 ans).

- ROULEAU Jacques, cultivateur (77 ans), ROULEAU Pierre (39 ans), ROULEAU Marie (32 ans), DELOUCHE Jacques (32 ans) et l’enfant DELOUCHE Pierre (2 ans). Dans le même foyer : FERRE Marie (jeune fille de 29 ans).

- BRUNETEAU Pierre, cultivateur, membre du conseil (60 ans), BRUNETEAU Daniel (25 ans), BRUNETEAU Pierre (19 ans), BRUNETEAU Jacques (veuf et 32 ans) et les enfants BRUNETEAU François (9 ans) et BRUNETEAU Madeleine (4 ans). Dans le même foyer : BARILLOT Pierre, domestique (18 ans), SEIGNEURIN Louise, domestique (30 ans) et SEMELIER Marie, domestique (18 ans).

- DELOUCHE Jacques, cultivateur (62 ans), DELOUCHE Marie (22 ans), DELOUCHE Pierre (19 ans), DELOUCHE Louise (17 ans) et DELOUCHE Madeleine (19 ans).

- DELOUCHE Jacques, journalier (35 ans), SAPIN Marie Madeleine (30 ans) et les enfants DELOUCHE Pierre (7 ans) et DELOUCHE François (1 an).

- COUNIT Jean, journalier (37 ans), MARSAULT Madeleine (39 ans) et les enfants COUNIT Jean (6 ans), COUNIT Pierre (3 ans) et COUNIT Madeleine (12 ans). Dans le même foyer : BERNARD Marie (veuve, 74 ans).

- MARTIN Pierre, cultivateur (34 ans), MARSAULT Louise (44 ans) et les enfants MARTIN Marie (16 ans), MARTIN Jacques (10 ans), MARTIN Pierre (6 ans) et MARTIN François (4 ans).

- MAGNEN Jacques, Cultivateur (38 ans), sa femme SAPIN Marie (39 ans) et leur enfant MAGNEN Jacques (1 an). Dans le même foyer : CARTIER Madeleine (veuve SAPIN, 42 ans) et ses enfants SAPIN Madeleine (16 ans), SAPIN Suzanne (14 ans) et SAPIN Jean (8 ans).

- NIVELLE Louise (40 ans) et les enfants MAGNEN Louis (17 ans), MAGNEN Madeleine (15 ans), MAGNEN Daniel (12 ans), MAGNEN Louise (9 ans), MAGNEN Jacques (6 ans) et MAGNEN Pierre (3 ans).

- SEMELIER Pierre, tisserand (55 ans), sa femme THOREAU Marie Suzanne (49 ans) et leurs enfants SEMELIER Suzanne (25 ans), SEMELIER Madeleine (22 ans), SEMELIER Marie (18 ans), SEMELIER François (16 ans) et SEMELIER Louise (10 ans).

- POUILLOU Jean, journalier (60 ans) et CHAMAS Louise (64 ans).

- BOUGOIN Jacques, cultivateur (62 ans), MENNETEAU Madeleine (49 ans) et les enfants BOUGOIN Pierre (29 ans), BOUGOIN Jacques (20 ans), BOUGOIN Jean (18 ans), BOUGOIN Madeleine (19 ans) et BOUGOIN Daniel (7 ans).

- LAMBERTON Pierre, cultivateur (57 ans), DELOUCHE Madeleine (59 ans). Dans le même foyer : MARSAULT Jacques, domestique (28 ans), BARILLOT Jacques, domestique (16 ans) et BOYER Françoise, domestique (28 ans).

- MARTIN Simon, maçon (64 ans).


Souvenirs

 

L’ONGLÉE

 

Arlette DOMINEAU

 

Partir pour l’école, en galoches, entre givre et gelée blanche, sous la bise…

Qui oserait dire que la vie n’est pas rude ?

- Bien sûr, l’onglée, les engelures, les gerçures ne nous oublient guère, mais peuvent-elles émousser nos joies d’enfants ?

Evidemment, ces jours-là, le cartable nous serre les épaules plus que de coutume : n’avons-nous pas accumulé sous le manteau, la « blouse », pulls et gilets tricotés-mains !

Les chaussettes feutrées et le cuir raide des galoches blessent nos orteils meurtris. Qu’importe, l’aventure commence dès le premier carrefour où nos camarades nous attendent.

La lumière encore rouge et rasante du soleil levant ne nous éblouit pas, mais nos yeux mal réveillés pleurent dans la bise glacée, les larmes chaudes et piquantes glissent sur nos joues.

Nos pas résonnent sur le sol sec et dur.

Dans les ornières, les arabesques de glace s’enroulent en franges de dentelle et recouvrent les flaques rousses et glauques : plaisir irrésistible de briser ce miroir fragile sous lequel le liquide peut encore sourdre.

A la croisée des chemins, ils sont là, les copains, en pleine action. Equipés de mitaines, cache-col, passe-montagnes, bérets, ils ont la tenue de rigueur.

Il ne faudrait pas croire que les cartables ne sont pas de la fête ! Le plumier grelotte au moindre pas et la bosse du sac amortit les chutes. Les gros «  nœuds » de laine ne retiennent ni les cris ni les rires…

Il ne fait pas froid dans les cœurs, quand la cour de l’école accueille nos exploits : c’est à qui aura fait la plus longue glissade, la chute la plus périlleuse ! Les défis sont lancés…

Les langues aussi font des prouesses : les scores deviennent imbattables quand la maîtresse annonce la rentrée.

Alors, à peine résignés, il faut abandonner les dernières frasques de cascadeurs pour… la leçon de morale.

Soit, mais, n’est-ce pas encore l’occasion de rêver un peu ?

Et puis, bientôt, ce sera la récréation.


 

Retour au pays

 

JEAN TABARY, dessinateur de B.D.

 

 

 

Huguette ELISAS

 

 

Les habitants de Pouzeau ont eu la surprise cet été de rencontrer dans leur village le célèbre auteur et dessinateur de bande dessinée Jean TABARY, revenu au pays pour quelques instants.

Alors qu’il habitait Paris, il est venu passer, pendant la guerre, quelques années à Pouzeau, hébergé avec ses frères Philippe et Pascal, à la ferme de Louis Courset.

Il a maintenant 72 ans et la rencontre avec des camarades de l’époque, Jacqueline Augereau et Jacqueline Courset (Tison) a bien sûr été l’occasion d’échanger de lointains souvenirs, de revoir la maison où il a vécu (l’actuelle maison de Mme Augereau), et les alentours ; il a évoqué la mare où il emmenait boire les vaches, en compagnie de son chien. Ces années passées à Saint-Sauvant lui ont même inspiré une B.D, la 8ème grande aventure de Totoche. Il y représente son arrivée à la gare de Rouillé puis ses aventures de petit parisien dans la ferme poitevine, avec son chien Fidèle.

Si la vie à cette époque n’a pas toujours été douce pour lui : il fallait aider aux travaux de la ferme, il y avait peu de confort, « on se couchait tout habillé tellement il faisait froid ! » - il en garde malgré tout un bon souvenir et aime à dire, à certains de ses amis parisiens, qu’il sait traire les vaches et les chèvres !

Il a passé son Certificat d’Etudes à Lusignan - de sa scolarité, on se rappelle, à travers les caricatures qu’il faisait de ses instituteurs, ses talents déjà prometteurs de dessinateur, passion qui l’a conduit vers une longue et prolifique carrière : ses débuts en 1956 à l'hebdomadaire Vaillant, avec les aventures de Richard et Charlie, puis la création en 1958 de Totoche, le chef sympathique d'une bande de gosses dont les aventures paraîtront pendant 14 ans, pour le même magazine devenu Pif Gadget. Il est également l’auteur de Grabadu et Gabaliouchtou, qui paraîtra dans Fluide Glacial à la fin années 70. Il s’associe avec René Goscinny en 1962 et anime les aventures d’Iznogoud, le Grand Vizir - "Je veux être calife à la place du calife !" est aujourd'hui passé dans le langage courant. A la mort de Goscinny en 1977, il continue seul Iznogoud et créé sa propre maison d'édition.

Du passage de Jean Tabary, Jacqueline Tison garde en souvenir de son ancien camarade d’enfance, l’album de Totoche, avec la dédicace de son auteur.


Une spécialité locale

 

LE POIRION AU GOÛT DU JOUR

 

 

 

Jacqueline CZERWINSKI

24 novembre 2002 : les poirions manifestent à Saint-Sauvant et revendiquent leur droit d’exister. Pour leur première révolution, ils s’estiment heureux d’être sortis de l’oubli et sont fiers de participer à l’animation locale de la commune. Ce fruit sauvage délaissé depuis des décennies, au même titre que la nèfle ou la corme, a ressurgi des mémoires et a hanté les esprits les plus farfelus qui en ont fait, pour un jour, le roi de la fête.

 

Des poirions, il y en avait partout. Dans la salle des fêtes, où un stand lui était uniquement réservé et où, dès l’entrée, tous les sens étaient en éveil : poirions en cage, en chausson, au caramel, à la cannelle, au vinaigre, au chocolat, en gelée, poirions tapés, gâteaux fourrés au poirion, « tabaraïe » (compote) que l’on pouvait déguster sur place.

Dans la salle socio-culturelle où une exposition remarquable lui était consacrée après une recherche minutieuse dans tous les domaines : littéraire, historique, artistique, pictural, culinaire…

A l’extérieur où, sous un tivoli, le « jus de poirion » accompagnait délicieusement crêpes et châtaignes grâlées.

Sur la place de la Liberté où les équipes de « Garochous » (lanceurs de poirions chopes) se sont affrontés dans des « joutes à l’ouillette » dynamiques.

Et, pour symboliser ce temps fort de l’animation locale, le maire, Jean-Claude Bruneteau, a procédé à la plantation du premier « peuriouner » dans le territoire communal.

 

Mais laissons Philippe Souché, notre historien local, nous raconter la véritable histoire du poirion.

 

 

LA VÉRITABLE HISTOIRE

DU « PERELLUN SAINT SOUVANT »

 

Philippe SOUCHÉ

Préambule

 

S’il est un point sur lequel s’accordent aujourd’hui de nombreux historiens, c’est bien sur l’importance considérable que joua le développement du « poirillon Saint-Sauvant » sur la vie culturelle, sociale, économique et horticole de la commune. Les avis divergent en revanche lorsqu’il s’agit de préciser quel événement fut à l’origine de cette formidable aventure.

Les versions les plus fantaisistes ont été avancées.

Certains évoquent l’époque Gallo-romaine, période durant laquelle les légions de César, venues d’orient et tout particulièrement de Scythie, avaient déferlé sur nos plaines fertiles pour finalement s’y installer, trouvant là une terre hospitalière leur rappelant sans doute les paysages de leur lointain pays. Ces valeureux guerriers auraient apporté de leur regretté orient quelques pépins rapidement mis en terre.

 

Chapitre 1er : origine du poirillon

 

Je me bornerai ici à relater l’hypothèse la plus vraisemblable, qui fixe l’arrivée du premier pépin à l’aube du Moyen-âge.

En ces temps reculés, dans le comté du Poitou, régnait la puissante famille des Lusignan. La mode était alors, pour ces nobles aux fortes convictions religieuses, aux grands voyages. Il s’agissait tout simplement de se rendre du côté de Jérusalem, en hordes belliqueuses, pour aller y égorger dans l’allégresse les infidèles tentés d’installer leur gourbi à proximité du tombeau de notre seigneur Jésus-Christ.

Et partir ainsi en croisade exigeait, pour que le voyage fût agréable à nos nobliaux, que l’on s’assurât très sérieusement de l’intendance.

Aussi, les périodes qui précédaient ces grands départs étaient-elles, pour les misérables habitants des fiefs avoisinants, des moments de grande inquiétude.

Car si les recruteurs envoyés par le comte de Poitou vous avaient identifié comme « personne ressource », il était assez difficile pour le serf de base ou l’artisan talentueux, de résister à leurs arguments, plutôt du genre musclés.

C’est ainsi que Jean Bitaudeau, dit Jeantet Beloeil ou encore Badigoule, (en raison sans doute de sa propension naturelle à s’esbaudir devant le moindre phénomène naturel), maître jardinier au service du baron de la Percheterie, reçu un maudit soir la visite de deux sbires au visage peu engageant.

Il accepta volontiers leur proposition, au motif simple qu’un refus eût entraîné pour lui une combustion rapide et définitive de sa modeste demeure, assortie d’une déportation lointaine de sa femme et de ses six enfants.

Il fut donc de la troisième croisade, celle qui amena nos vaillants guerriers du côté de Jérusalem.

L’expédition fut un désastre pour les croisés, qui furent massacrés par milliers par l’armée de Saladin. Mais la fortune ne sourit pas qu’aux audacieux. Badigoule, qui ne l’était pas, fut épargné. Avec les autres rescapés, il reprit sans demander son reste le chemin de son cher et lointain Poitou, duquel il jugeait avoir été trop longtemps éloigné.

Son caractère enjoué et curieux, sa capacité à s’extraire sans peine du contexte dramatique dans lequel baignait son quotidien lui faisait porter attention à tout ce qui l’entourait, et il s’adonnait à sa passion de toujours : herboriser. Il ramassait à intervalles réguliers les plants qu’il trouvait sur sa route. Route qui le conduisit, entre autres lieux exotiques, sur l’île de Crête où il consacra son temps à examiner les arbustes.

Sa besace débordait de boutures et d’arbustes qu’il tentait de sauver, non sans peine, des embarras du voyage et du manque d’eau. Après bien des vicissitudes, la troupe dépenaillée, épuisée et débarrassée de ses éléments les moins résistants, arriva enfin aux abords de Lusignan.

Arrivé à St-Sauvant, Jeantet Beloeil, dit Badigoule, sortit de son bissac les quelques arbustes qu’il avait pu conserver, et les mit aussitôt en terre. Il remarqua, les années qui suivirent, que l’un d’eux donnait en grandes quantités de petites poires fort goûteuses, que cochons et humains se disputaient à la saison sous les arbustes.

Il s’employa alors à le multiplier et à le replanter dans chaque ferme, tant et si bien qu’à sa mort, chaque foyer de la commune possédait désormais son « perelluner », qu’il fut bien difficile de ne pas baptiser du nom de son terroir d’adoption.

 

Chapitre 2 : la révolution du poirillon

 

Peu de Saint-Sauvantais ont aujourd’hui conscience des apports considérables qu’apporta Jean Bitaudeau, tant sur le plan horticole, que sur celui de la prévention des carences alimentaires, que du point de vue culturel.

Car si Saint-Sauvant connut une véritable révolution, ce fut bien celle du poirillon.

Durant plus de trois siècles, les fiefs de la paroisse de Saint-Sauvant furent épargnés par les ravages qui dévastaient à intervalles réguliers, les contrées avoisinantes.

Pas de peste noire pour les Saint-Sauvantais, ignorant eux-mêmes que les pèlerinages en dévotion à Saint Sylvain n’étaient pour rien dans leur sauvegarde, protégés qu’ils étaient par un système immunitaire dopé au poirillon, dont ils faisaient grande consommation.

Pas d’attaque de brigands, entraînés qu’étaient nos vaillants ancêtres à garocher à la face de ces vauriens les plus chopes de nos « perelluns ». Vauriens qui savaient par la suite éviter la paroisse, tant le souvenir d’un poirillon chope en pleine figure les invitait à aller exercer leurs talents quelques lieues plus loin.

Pas de famine non plus, en raison des techniques sophistiquées de dessiccations des fruits. Elles permettaient en effet de confectionner d’importants stocks de « perelluns tapés », lesquels, stockés en lieu sûr dans les greniers, se révélaient fort précieux s’il advenait que le blé, le seigle ou l’orge vinssent à manquer.

Ce n’est qu’après une vie passée en abondance, au cœur de chaque automne, des boisseaux et des boisseaux de fruits jaune-vert, que l’arbre était mis en coupe. Le bois dur et résistant, se prêtait à merveille à tous les travaux de menuiserie. Le modeste intérieur des Saint-Sauvantais était, dans la majorité des cas, confectionné en bois de « perelluner ».

Il n’est pas vain de dire que tout est bon dans le poirillon (sauf la queue, peut-être, mais pour le cochon, c’est un peu la même chose).

Certes, cette surconsommation de fruits n’allait pas sans quelques dérangements intestinaux, qui saisissaient même les sujets les plus résistants.

On les voyait alors sortir en courant de leur demeure, mains plaquées sur le ventre, pour aller s’isoler un instant derrière quelque bosquet. Les phénomènes étaient fréquents, il flottait sur la campagne environnante une forte odeur, proche semble-il, d’après les chroniqueurs de l’époque, de celle que dégage aujourd’hui le lisier au sortir des fosses.

Saint-Sauvant sentait la merde sans doute, et les habitants, pour peu qu’ils s’éloignent de leur paroisse pour aller commercer dans les villages avoisinants, ne pouvaient se défaire de cette odeur tenace. Aussi avaient-ils un peu de peine à nouer des relations amicales avec leurs voisins, qui les qualifiaient volontiers de « Chie-mou », qualificatif peu flatteur qui n’en recouvrait pas moins une certaine réalité.

Pour les jeunes gens en âge de fonder un foyer, l’inconvénient était de taille, aussi bien souvent, las des échecs répétés dans la quête de l’âme sœur au delà des limites du village, finissaient-ils par se marier entre eux.

Ce phénomène atypique, aux yeux de bien des anthropologues, amena sur le village des phénomènes de consanguinité dont les conséquences se sont fait sentir jusqu’à une époque récente.

Mais l’inconvénient semblait bien mineur en regard des incommensurables bienfaits que leur apportait le « perellun ».

 

… la suite vous sera racontée dans la Boulite N°5

 

LA POIRE : Son histoire à travers les âges

 

Dès l’époque néolithique, le poirier a entamé un long voyage de son Asie natale à l’Europe occidentale où il a trouvé une véritable terre d’adoption. Son ancienneté est incontestable. La preuve en est que, tel un petit Poucet, les poires ont semé leurs pépins sur les sites préhistoriques témoignant ainsi de leur passage.

Bien que les Grecs semblent avoir été les premiers à apprécier les qualités gustatives de ce fruit qu’Homère nommait « cadeau des Dieux », la poire fut surtout appréciée des Romains, qui la consommaient crue ou cuite, ou encore séchée au soleil. On leur doit d’ailleurs les premiers conseils sur la taille et le greffage des poiriers, trois siècles avant Jésus Christ. Ils développent ainsi nombre de variétés : Caton n’en cite que six lorsque Pline en mentionne déjà quarante, cinquante ans après la naissance du Christ, pour aboutir à soixante variétés à la fin de l’empire romain en 476 après J.C. La diffusion des poires se fait alors progressivement dans toute l’Europe. Au Moyen-age et à la Renaissance, les poires ne semblent pas être plus savoureuses si l’on en croit leur nom : « Caillou rosat », « Poire d’angoisse »…

C’est grâce à un moine belge, Nicolas Hardenpont, que la poire s’est considérablement améliorée au 18ème siècle tant sur le plan de la saveur que de la texture.

Elle est apparue en France au 16ème siècle, où l’on dénombrait 16 variétés décrites en 1530 par Charles Estienne. Elle est rendue célèbre sous le règne de Louis XIV par son jardinier, Jean de la Quintinie qui décida de cultiver de nombreuses variétés de poires dans son potager tant le Roi les appréciait.

La tradition rapporte que les souverains venant se faire sacrer à Reims, recevaient en cadeau une poire et une coupe de champagne. Louis XV, Louis XVI, Napoléon en 1802 et même Marie-Louise en furent gratifiés. Charles X en dégusta également lors de son sacre en 1825 tandis que le maire de Reims lui disait : «  Nous vous offrons ce que nous avons de meilleur : nos vins, nos poires et nos cœurs ».

Aujourd’hui plus de 2000 variétés ont été recensées dont une dizaine seulement se retrouve sur nos étals. Les poires que nous consommons aujourd’hui, sont nées pour la plupart au siècle dernier et sont le résultat de sélections attentives afin que l’on continue à les déguster pendant des siècles et des siècles…

 

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Le mot POIRE a eu plusieurs extensions de sens.

 

De l’ancien français, il est entré dans le terme poire d’angoisse, nom d’une poire d’un goût très âpre, transposé à un bâillon en fer destiné à étouffer les cris. - Poire a aussi servi à désigner un petit flacon en forme de poire (1380) et, en armurerie, un petit récipient portatif en cuir bouilli dans lequel on mettait la poudre d’une arme à feu (1669) encore connu par poire à poudre (1797). - Le nom du fruit a inspiré les locutions ne pas promettre poires molles « menacer d’un traitement vigoureux » (1671) qui est devenu archaïque, de même que la poire est mûre ou n’est pas encore mûre (XVIIIe s.) « l’occasion est favorable ou défavorable. », et se garder une poire pour la soif (1640) qui reste d’emploi courant. Poire de terre est le nom ancien du topinambour (1764), disparu à la différence de pomme de terre. - C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle qu’il a pris le sens figuré et familier de « face, figure », anciennement dans la locution faire sa poire « jouer le dédain » (1858), « être de mauvaise humeur », puis dans les expressions dans la poire et se sucer la poire (1901) « s’embrasser » encore usitée. On a souvent évoqué pour expliquer ce développement de sens, la célèbre caricature de H. Philippon représentant la tête de Louis-Philippe sous forme de poire - Par métonymie, le mot désigne familièrement une personne qui se laisse duper facilement spécialement dans (une) bonne poire (1883), allusion à la mollesse du fruit mûr qui tombe de lui-même de l’arbre. - Entre la poire et le fromage, à un moment de la conversation libre et détendu comme vers la fin d’un repas (1640). Le fromage se mangeait après les fruits (et la poire était, avec la pomme, le fruit type) ; Couper la poire en deux, transiger, partager les profits et les risques, faire des concessions égales, semble récent. - Se payer la poire de quelqu’un, variation familière de se payer la tête de… se moquer. - Faire le poirier se tenir en équilibre sur les mains, la tête en bas (2ème moitié du XVe s.). - Je l’ai connu poirier, je l’ai connu dans une situation modeste, moins brillante.

 

Autrefois, dans les campagnes, on écrivait peu la langue poitevine, transmise oralement de génération en génération. Ainsi les « Poilus » de la guerre de 14-18 écrivaient en français à la famille alors que chez eux ils ne parlaient qu’en patois. Quand on voulut préserver ce parler d’antan, on l’a écrit tant bien que mal comme on le prononçait dans chaque région et c’est la raison pour laquelle on trouve autant de graphies différentes pour désigner en particulier

Le poirionnier, et son fruit le poirion.

 

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Proverbes et dictons

 

«  A la Saint Michel, poires et pommes sont bonnes à prendre. »

 

« Après des platitudes notoires

Pour obtenir ce qu’on voulait,

L’usage est de traiter de poire

Ceux à qui l’on doit un bienfait. »

(Quatrain d’Hector France.)

 

« Clair comme du brou de poire. »

(Se dit d’une histoire sombre et mystérieuse)

 

« Après la poire tu peux boire,

Après la pomme faut pas boire bonhomme. »

(Autant dire que les poires ne font pas gonfler l’estomac.)

« Bonne ou mauvaise poirette,

il faut que Mars la trouve faite. »

(Allusion aux poires d’été, en fleurs au printemps et donnant des fruits en août.)

« Poires bouillies sauvent la vie. »

(Allusion aux compotes de poires particulièrement bonnes pour la santé)

 

« Qui vit avec son seigneur mange poires,

il ne choisit pas les meilleures. »

(proverbe du Moyen-Age conseillant de ne manger qu’avec ses égaux.)

« Si le soleil luit à la sainte Eulalie,

Il y aura pommes et poires à la folie. »

 

 

Abondance de poires,

Hivers rigoureux à prévoir.

Poires et filles mûres

Sont sujettes à murmures.

( Dicton en Saintonge parce qu’on y appelait une fille facile, une poire)

 

« Bonne poirée fait petite vinée. »

(Beaucoup de poires sur les arbres annoncent des vendanges très médiocres.)

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Le Grand dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas

Angobert, grosse poire ressemblant au beurré ; elle se conserve pendant l’hiver ; sa chair est ferme, douce, excellente à manger en compote.

Fenouillet, on appelle ainsi une poire, qui se cueille en novembre et que l’on peut manger fraîche et crue jusqu’en février. Elle est bonne aussi en confiture.

Madeleine, nom d’une poire estivale.

Robine, nom d’une excellente poire connue aussi sous les noms d’averat, de muscat d’août et de royale.

Virgouleuse, poire d’automne à laquelle toute cuisson réussit mal et qui par conséquent doit être mangée crue, étant excellent ainsi.

 

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Ces textes sont extraits de l’exposition réalisée par Isabelle THALLER pour la fête des poirions.