SOMMAIRE du Numéro 14 :

Le logis de la Courmorand : 2ème partie de la Révolution à nos jours

27 juin 1944 : le massacre du maquis de la forêt de Saint-Sauvant

Manières de causer : la litote à Chimène

Mots-croisés : la grille à Suzanne

Retour sur la fête de l'école : daus draules trilingues


Nos « monuments historiques »

LE LOGIS DE LA COURMORAND

2. De la Révolution à aujourd’hui

 

Guy PUAUD

 

    L’histoire du logis de la Courmorand s’était arrêtée, dans la Boulite n° 13, à la veille de sa vente comme bien national à la Révolution.

    Voici la suite – mouvementée – de l’histoire de ce logis, partagé en 1794, entre les nombreux héritiers Bruneteau, puis réuni, deux générations plus tard, par une des héritières, Pauline Bruneteau. Elle fut l’épouse de Frédéric Baudet, premier maire d’une longue lignée Baudet-Bruneteau, qui a longtemps dirigé la commune.

    Le 8 pluviôse an 2 (27 janvier 1794), le domaine de la Courmorand est vendu, comme bien national, en 20 lots : l’ancien logis seigneurial, une maison à Buffageasse, une autre route de Lezay, une chambre basse (une petite maison) dans le bourg, plus 189 boisselées de terre et de bois (environ 47 hectares), situées pour l’essentiel près du logis, dans la Plaine de la Courmorand et dans le Bois de la Courmorand.1

 

François Bruneteau, ancien fermier général, achète le logis

    François Bruneteau, l’ancien fermier général du seigneur et fermier en place, achète le logis qu’il habite depuis la Saint-Michel 1774 2, un grand pré de 19 boisselées, 50 boisselées de terre dans la plaine et 27 boisselées de taillis (au total, environ 24 hectares).

    Le reste du domaine est éparpillé. Jean Chassacq achète la maison de Buffageasse, François Pierron, commis de la forêt, les deux autres maisons. Les autres lots de la Plaine de la Courmorand vont à Jean-Baptiste Ferré, aubergiste, Pierre Motillon, maréchal, et Jean Perrin. D’autres terres, notamment aux Roches, au Grand Pastureau et au Pré de la Gasse, vont à un autre François Bruneteau dit Lami, Charles Gautier, aubergiste, Pierre Marchand, Jean Migault, aubergiste, Jean et Jacques Nivelle, boulanger, Jacques Pelletier, Jean Perrin, Pierre Perrin et Pierre Thibault. Le Bois de la Courmorand est vendu en deux lots : un de 15 boisselées à François Barré et Jacques Nivelle ; un autre de 16 boisselées à François Motillon, gendre de François Buneteau. Etienne Cousin, maréchal, et Pierre Thibault achètent 10 boisselées de taillis au Grand Pastureau. Enfin, Jean Février, boucher, achète un jardin d’une boisselée.

 

Comment partager un logis entre six héritiers ?

    Le logis est resté dans cette famille Bruneteau, alliée aux Baudet, jusqu’à Gustave Bruneteau, maire de Saint-Sauvant de 1935 à 1947, qui l’a vendu à René Barrault en 1967. Car Gustave Bruneteau n’a pas reçu la Courmorand de son père, mais de la famille Baudet, plus précisément de sa grand’mère maternelle, l’épouse de Frédéric Baudet, née Anne-Pauline Bruneteau, souvent appelée Pauline, elle-même petite fille de François Bruneteau, l’acheteur du bien national.

    Prenons au début. De l’acheteur du bien national au maire du 20e siècle, on trouve, une longue série d’héritages, de partages et de rachats. Au départ, François Bruneteau ne jouit guère de son nouveau statut de propriétaire de bien national : il meurt à peine un mois plus tard, le 4 ventôse an 2 (22 février 1794). Sa femme, Jeanne Texier, meurt peu après, le 27 germinal (16 avril). Très vite, le 6 prairial (25 mai), c’est le partage de la Courmorand entre les six enfants.3

    Mais comment partager ce logis ? « Considérant qu’ils ne peuvent composer six lots sans en diminuer la valeur… ils ont pris le party de n’en faire que trois », dit l’acte. Les héritiers sont regroupés deux par deux et pourront à leur tour « les subdiviser (les lots) entr’eux ou les liciter ainsi qu’ils le jugeront à propos ».

    René et Pierre Bruneteau ont « la cuisine du mitant, le salon à côté, la chambre sur le salon et le grenier dessus ».4 François Bruneteau et Pierre Amiault, époux de Madeleine Bruneteau ont « une chambre servant de cellier, la chambre dessus et le grenier aussy dessus. » Ils « prendront des pierres à la fuye (en ruine) pour faire des cheminées ». Nicolas Doussaint, époux de Marie Bruneteau et François Motillon, mari de Louise Bruneteau ont « la salle, la cuisine, la chambre au dessus ainsy que son grenier ».

    La grange, les écuries, les toits sont également distribués ou partagés en morceaux, de même que le jardin, les terres et les bois. Et chacun a un sixième des parts du four et du fourniou.

 

La propriété du logis éparpillée pendant plus de 40 ans

    Aucun des six enfants ne peut racheter les parts à ses frères. Il ne faudra pas moins de 54 ans pour qu’à la deuxième génération, le logis retrouve son unité.

    Dans un premier temps, chacun des six héritiers de 1794 a sans doute voulu trouver sa part : le sixième. Ainsi, dès le 20 prairial an 2 (8 juin 1794) Nicolas Doussaint et François Motillon divisent en deux leur lot commun, par acte de partage sous seing privé déposé le 18 nivôse an 4 (8 janvier 1796) chez le notaire. François Motillon reçoit « la chambre basse appelée la salle, la cuzine et le bas de la tour et le grenier qui est dessus la chambre de Pierre et René Bruneteau », tandis que Nicolas Doussaint obtient « la chambre aute (sic) et le grenier par dessus. ». C’est la seule trace que nous avons pu trouver de ces arrangements entre frères et beaux frères (car dans ces actes, les femmes sont rarement citées).

    François Motillon ne gardera pas longtemps sa part. Il la vend le 2 nivôse an 7 (22 décembre 1798) à Jean-Baptiste Ferré, aubergiste.5

    Un autre héritier de 1794, Pierre, revend, le 9 décembre 1810, à son frère René, « une chambre basse et une chambre haute au dessus, faisant partie du logis de la Courtmorant… touchant d’un côté aux batimens de Jacques Nivelle, de l’autre à ceux de Magdelaine Bruneteau veuve Amiault… plus l’usage de l’escalier commun avec le dit Jacques Nivelle… plus la sixième partie de la cour appelée du four… et portion dans un four et fourniou ».6

    Autre héritière de 1794, Madeleine Bruneteau, veuve sans enfants de Pierre Amiault, « donne et lègue (le 9 décembre 1810) en pleine propriété une maison sise dans la Courtmorant, consistant en deux chambres basses, un grenier, le haut d’un grenier, le haut d’une tour, cour et coursoires… à Pierre, François, Louis, Pauline et Honoré Bruneteau, ses neveux et nièce, tous enfants de René Bruneteau et Anne-Marie Bruneteau ».7

    Enfin, Marie Anne Laroze, veuve de François Bruneteau, autre héritier de 1794, effectue, le 27 septembre 1830, un partage anticipé, avec ses sept enfants, dont l’aînée, Madelaine¨, épouse de Pierre Laroze, reçoit notamment « une chambre haute et un grenier dessus, le tout étant sur une chambre basse qui est la propriété de madame veuve René Bruneteau, appelée de la Cormorant,… un sixième dans une petite cour, pareille portion dans un four et fourniou ».8

    Résultat : lorsque s’établit le cadastre de 1836, la propriété du logis est encore davantage morcelée. Le géomètre, chargé du cadastre, doit distinguer huit parts en quatre « parcelles » (522, 526, 527 et 528) pour le logis et préciser si les propriétaires de l’époque possédaient le bas (rez-de-chaussée) ou le haut (étage). Parmi les petits enfants de François Bruneteau, Pauline, sa petite fille, possède le haut de la parcelle 522, la parcelle 526 et le bas de la parcelle 527, soit 4 parts ; Honoré Bruneteau, son frère, boulanger à Couhé, possède le haut de la parcelle 527 et la parcelle 528, soit 3 parts. Enfin, Jacques Lagorre, (un cousin ?) de Rom, a le bas de la parcelle 522, soit 1 part.

    Premier constat : presque tout le logis a déjà été regroupé autour des deux enfants de René Bruneteau : Pauline et Honoré.

 

Dix ans pour remembrer le logis

    La réunion des parts dispersées est réalisée par Pauline Bruneteau, pour trois d’entre elles, et par son mari, pour la quatrième, en 1838 et 1848.

    Pauline acquiert les trois parts de son frère Honoré le 1er juin 1838, soit : « tous les bâtimens, cour, aisances, jardin, le tout appelé de la Cormorand ».9

    Elle se marie quelques jours plus tard, le 18 juin 1838, avec Frédéric Baudet, géomètre. Mais elle ne pourra réunir tout le logis : elle meurt jeune, le 19 février 1942 (elle n’a pas 35 ans). Son mari, Frédéric Baudet acquiert de Jacques Lagorre, de Rom, le bas de la parcelle 522, en 1848, et devient propriétaire de tout le logis, dispersé depuis 54 ans.

 

Deux maisons annexes

    Il nous faut aussi parler de deux maisons annexes figurant dans la même cour de la Courmorand, distinctes du logis et que le cadastre de 1836 localise : la parcelle 521 à la veuve René Bruneteau, mère de Pauline ; et la 525 à Honoré, son frère, pour le bas, et à Pierre Larose, pour le haut.

    Pauline fait aussi ces trois acquisitions. Elle achète, le 31 mars 1838, à sa cousine, Madeleine Bruneteau, épouse de Pierre Laroze, « une chambre et un grenier au dessus, le tout régnant sur la chambre basse de Honoré Bruneteau, plus le sixième dans un four, au dit lieu de la Cormorand ».

    Le 27 novembre de la même année, sa mère, née Anne-Marie Bruneteau (d’une branche cousine ?), veuve de René Bruneteau partage ses biens à ses six enfants. Les deux tiers restent à la mère, et dans le tiers restant, Pauline reçoit « la maison dite de la Cormorand, un sixième de la cour de derrière, le four et le fourniou, portion de la grange et de la cour de devant (…), enfin ce qui vient à feu le père ».10

    Enfin, le 2 février 1840, la veuve de René Bruneteau fait une donation-partage à ses enfants où Pauline tire le 1er lot : « tous les bâtiments qui appartiennent à la dite dame dans le lieu dit la Cormorand, (dont) la chambre basse venant de Pierre Bruneteau ».11

    Avec cette (trop) longue énumération d’héritages et d’acquisitions, on est un peu perdu. Il est difficile de s’y retrouver dans tous ces actes de 1838 à 1848, époque où les notaires n’avaient pas encore pris l’habitude de se référer au cadastre tout récent.

    La fille du couple Baudet-Bruneteau, Anastasie Baudet, hérite de l’ancien logis, sans doute vers 1882, date du décès de son père. Epouse de Pierre Bruneteau (un cousin issu d’issu de germain), marchand de vin en gros, elle transmettra la Courmorand à son fils et seul héritier, Gustave Bruneteau, l’ancien maire. C’est ce l’on apprend par l’acte de vente du 1er décembre 1967 de Gustave Bruneteau à René Barrault.12

 

La maison de trois maires

    Dans cette famille Bruneteau-Baudet, propriétaires du logis de la Courmorand, on trouve plusieurs maires de Saint-Sauvant, du milieu du 19e siècle au milieu du 20e. Frédéric Baudet, le géomètre, est maire en 1846-1847, puis de 1848 à 1852. Pierre Bruneteau-Baudet, son gendre, le marchand de vin, est maire de 1887 à 1929. Enfin, Gustave Bruneteau, fils du précédent, dont on dit qu’il vivait de ses rentes, fut maire de 1935 à 1953.

    On le voit, cette famille Bruneteau-Baudet a dirigé la commune pendant plus de soixante ans, sur une durée d’un siècle. Ce qui confirme la Courmorand comme « monument historique ».

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[1] Archives Vienne, Q2 35/396-415.

[2] Archives Vienne, E4/32/25, bail du 12 mars 1774.

[3] Archives Vienne, 4E/32/73 (Me François Andrault, notaire à Saint-Sauvant).

[4] Archives Vienne, 4E/32/Me Belleroche, notaire ) Saint-Sauvant.

[5] Archives Vienne 4E/32/Me Belleroche.

[6] Archives Vienne, E4/32/98, Me Belleroche.

[7] Archives Vienne, 4E/32/110, Me Pierre Louis Bordier, notaire à Saint-Sauvant.

[8] Archives Vienne, 4E/32/119, Me Joseph Guérineau, notaire à Saint-Sauvant.

[9] Archives Vienne, 4E/32/122, Me Joseph Guérineau.

[10] Les actes de 1838 sont du notaire J. Guérineau (Arch. Vienne 4E/32/122).

[11] Archives Vienne, 4E/32/123.

[12] Chez Me Coquet, notaire à Lusignan.


27 juin 1944

LE MASSACRE DU MAQUIS
DE LA FORET DE SAINT-SAUVANT

Jacques PAPINEAU



    Voici la reconstitution très précise de la journée du 27 juin 1944 au cours de laquelle périrent trente-trois résistants du maquis de la forêt de Saint-Sauvant.
    la Boulite, qui a évoqué plusieurs fois cet événement, remercie l’auteur de cet article de nous autoriser à le publier, nous permettant ainsi de contribuer à rendre hommage à ces combattants de la Libération.

Situation générale de la Résistance dans la région de Rouillé début juin 1944 

   
Depuis le 6 septembre 1941, un camp d'internement administratif est ouvert à Rouillé. C'est " un centre de séjour surveillé " qui reçoit plusieurs catégories de prisonniers : des " politiques ", des " droits communs ", des " trafiquants " du marché noir et des " indésirables" étrangers. Parmi ces derniers, il y a des républicains espagnols, des communistes italiens mais aussi des russes, arméniens, portugais. La plupart des " prisonniers politiques " sont de jeunes communistes en provenance de la région parisienne, arrêtés pour diffusion de tracts contre l'armée d'occupation. Le camp sert aussi de " réservoir d'otages " à l'armée allemande en représailles aux actions de la Résistance. Les premiers fusillés de la Vienne (1942) sont 9 jeunes communistes de la région parisienne internés au camp de Rouillé. Ils sont exécutés à la butte de Biard en représailles à des actions menées contre des soldats allemands à Paris.
    Fin 1943, un comité de la Résistance est mis en place à Rouillé par le colonel Sidou alias " Antoine " alias " Ledoux ". Il est composé du docteur André Cheminée, Georges Debiais, Camille Lombard et Marcel Papineau. Des contacts sont noués avec les chefs régionaux F.T.P. : Charles Dubois alias commandant    " Christian ", Louis Mamy alias "Jean " et Joseph Fraud alias " Victor ". De petits groupes de francs-tireurs sont constitués par des patriotes habitant dans les villages et hameaux. Ils se regroupent la nuit pour conduire leurs actions. Celles-ci consistent en des missions de harcèlement : sabotages sur les voies ferrées, attaques de véhicules allemands.
    Le débarquement allié sur les plages de Normandie a lieu le 6 juin 1944. Le soir même, le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la France, exhorte les F.F.I. à " combattre l'ennemi par tous les moyens ". Son appel est immédiatement relayé par le colonel Chêne alias " colonel Bernard ", chef des F.F.I de la Vienne : " J'engage chacun à faire son devoir, car nous n'avons plus d'autres choix que la liberté ou la mort ". A partir de ces événements," la bataille de France " devient " la bataille de la France ", comme l'a qualifiée le général de Gaulle. Les résistants F.F.I. de la région vont se montrer à la hauteur de l'événement et tout particulièrement les groupes F.T.P. de la région de Rouillé, Saint-Sauvant et Sanxay.

Evolution du contexte après la libération du camp d'internement

    Les groupes de résistants de la région de Rouillé, St Sauvant, Sanxay, sous la direction du commandant " Christian ", libèrent le camp de Rouillé dans la nuit du 10 au 11 juin 1944. Des internés, pour la plupart d'origine étrangère, préfèrent rejoindre la résistance locale plutôt que de profiter de leur liberté retrouvée. Ils forment un maquis commandé par Marcel Papineau alias capitaine " Bernard ". Ils gagnent le Bois des Cartes, sur la commune de Rouillé, pour y faire leur campement et mènent aussitôt des actions de sabotages et de harcèlement contre l'armée d'occupation.
    Le groupe manque d'armes. Celles qu'ils possèdent ont été prises aux G.M.R. lors de l'attaque du camp de Rouillé et aux soldats allemands lors des embuscades sur les véhicules circulant sur les routes nationales 10, 11, 150. Trois fusils mitrailleurs et deux bazookas ont été rapportés de l'état-major allié par " Christian ", " Picard " et " Marc ". Une demande de parachutage d'armes est faite immédiatement par " Christian ", " Marc " et Georges Debiais auprès de l'état major F.F.I. . Il est prévu vers le 20 juin sur la ferme du Poyau, située entre les bourgs de St Sauvant et de Rom.
    Le 14 juin, après l'attaque d'une voiture allemande transportant un officier, une fusillade éclate entre les maquisards et un camion allemand rempli de soldats armés de mitraillettes et de grenades, arrivé par surprise de la place du Puits à Rouillé. Le soir même, le groupe évacue les Bois des Cartes et gagne, par des chemins, la forêt de St Sauvant. Le nouveau campement est installé près de la ferme abandonnée de la Branlerie dont les bâtiments vont servir de quartier général au maquis mais aussi de lieu de détention pour les soldats allemands faits prisonniers les jours précédents. L'effectif du maquis va considérablement augmenter avec l'arrivée de nouveaux résistants, comme le gendarme Paul Fergeault, mais aussi d'hommes en transit. Raymond Faideau et Gilbert Botton, étudiants, attendent d'être transférés à l'état-major du " colonel Bernard " pour être mis à la disposition du 1er S.A.S du major Tonkin, comme interprètes.
    Depuis la libération du camp d'internement de Rouillé, les S.S. , les policiers de la S.A.P. et les miliciens mènent une enquête approfondie auprès des gens dans les cafés, restaurants et hôtels. Ils sillonnent villages et hameaux pour découvrir où se cachent les maquisards et identifier leurs chefs. De petits avions légers survolent à très basse altitude la campagne et les bois pour surprendre tout déplacement de groupes de personnes.
    Les responsables de la résistance sont avertis par Mr Egreteau, fonctionnaire à la préfecture, et Mr Rousseau, greffier au tribunal de police, que le S.D. préparent l'encerclement de la forêt de St Sauvant. Un relevé cadastral de la forêt a été fait vers le 20 juin à la mairie de Saint-Sauvant. Les responsables du groupe F.T.P. informent l'état-major F.F.I. de l'imminence d'une attaque contre le groupe " Bernard " . Le responsable départemental de l'Etat-Major demande de ne pas décrocher avant le parachutage d'armes.

La répression : 26 juin 1944 

    La situation devenant très dangereuse, les responsables F.T.P., le colonel Sidou alias " Ledoux ", le commandant Charles Dubois alias " Christian ", Maurice Fuzeau alias " Marc ", Marcel Papineau alias capitaine " Bernard " et Paul Alleau alias lieutenant " Picard ", se réunissent dans la maison de ce dernier, située au Long Bas, près de Venours, commune de Rouillé, afin d'analyser la situation et prendre une décision sur l'évacuation ou non de la forêt de St Sauvant. A l'issue de celle-ci, qui se termine vers 2H00 du matin, ils décident que, dans la journée, le campement sera évacué par petits groupes de 15 à 20 hommes qui se dirigeront vers Bois le Bon, puis ensuite gagneront les bois de Brux et Romagne. Seul un petit détachement de maquisards restera dans le secteur du Poyau pour récupérer les armes.

27 juin 1944

    6 heures du matin : la forêt de St Sauvant est encerclée par des éléments du 80ème Corps d'Armée du général Von Gallenkampf qui possède des blindés, et la " section rapide 608 " chargée du maintien de la sécurité des communications et de l'encadrement des colonnes de représailles, contre les maquis. Ils sont guidés par les chefs du S.D. et les miliciens qui connaissent les lieux où est stationné le maquis du capitaine " Bernard ". L'ensemble des forces d'encerclement est proche de 2000 hommes.
    Les routes et carrefours sont surveillés et interdits. Monsieur Germain Viault qui revient de Lusignan est refoulé au carrefour des routes Lusignan à Couhé (D7) et Saint-Sauvant à Celle l'Evescault (D96), où est installé le P.C. allemand. Dans tous les hameaux inclus dans la zone d'encerclement comme le Chêne et la Chaplatière, les maisons sont fouillées une à une et leurs occupants interrogés, contrôlés, puis consignés sur place.

    7 heures : une fusillade éclate entre la ferme du Chêne et le hameau de Montlorgis. Le capitaine " Bernard ", qui essaie de pénétrer dans la forêt pour porter secours à ses camarades, se heurte au cordon d'encerclement formé par les soldats allemands. Ceux-ci engagent le combat, subissent de lourdes pertes, avant de l'abattre. C'est la première victime de la journée.

    7h30 : Simonne Fumoleau-Lombard, qui habite chez ses parents dans le village de la Cité, près du bourg de St Sauvant, arrive à la Chaplatière. Elle vient prendre des nouvelles de son frère André qui a couché chez la famille Proust. " Marc ", qui a également couché dans la maison, demande à Simonne d'aller prévenir les maquisards. Elle est arrêtée par les allemands alors qu'elle se dirige vers le village de la Guérinière, puis, amenée dans le village d'Anne-Marie, interrogée par un des responsable de la milice, Bercy. Elle assiste à l'arrivée de Mr Bernajous, de son fils Kléber et de Marco Marcovitch enchaîné. Kléber Bernajous est battu puis assommé et lancé inanimé dans un camion. Mr Freignault, boucher à St Sauvant, est brutalisé et accusé d'avoir ravitaillé le maquis. Il sera déporté. Simonne sera relâchée vers 16H30, probablement après le massacre.
    Pendant ce temps, Louis Bourdonneau, stagiaire du garde forestier Mr Denis Roy, prévient le maquis que la forêt est encerclée.
    " Marc ", pour sortir de la " souricière ", se présente aux sentinelles postées sur le chemin, poussant un troupeau de vaches et de chèvres avec à son bras Suzanne Brunier-Proust en la présentant comme sa fiancée. Malgré quelques réticences on les laisse passer. Suzanne reviendra seule avec son troupeau, quelques heures plus tard, sans être inquiétée. Pendant ce temps, " Marc " après avoir " emprunté " un vélo dans un hameau déserté de ses habitants, se réfugie chez Mr Guilbot, instituteur à St Pardoux (79), après un rendez-vous manqué avec "Antoine" à Cherveux (79), ce dernier ayant eu un contre temps.

    9h00 : les villages et hameaux, situés à l'intérieur de la ligne d'encerclement, sont à leur tour investis par les soldats allemands et les miliciens. A la Litière, tous les habitants, hommes et femmes, sont rassemblés dans la cour de l'une des fermes puis dans une encoignure de bâtiments plus facile à surveiller. Les soldats les encadrent, balles engagées dans le canon des armes dirigées vers eux. Une mitrailleuse et un fusil mitrailleur sont mis en batterie. Tous les bâtiments sont fouillés. Ils restent rassemblés toute la journée jusqu'à 16H00 ayant droit à un léger déjeuner à midi. A 19H00, ils seront à nouveau rassemblés pour un contrôle.

    Les soldats allemands et les miliciens investissent le quartier général du maquis à la Branlerie. Les maquisards et leurs prisonniers (7) sont partis. Les bâtiments sont incendiés. La " chasse à l'homme " commence. La forêt est fouillée systématiquement par les miliciens et les soldats S.S. accompagnés de leurs chiens. Certains maquisards cachés dans les fourrés ou les arbres sont découverts. Ils sont martyrisés puis faits prisonniers. D'autres essaient de résister l'arme à la main. Ils sont tués ou doivent se rendre.
    Quelques uns réussissent à s'échapper en restant cachés de longues heures sous des tas de feuilles mortes ou dans les branches des arbres (R. Faideau), à l'intérieur d'arbres creux ou dans un champ de blé comme Robert Poirrier.
    Lors de l'opération d'encerclement, de nombreuses exactions sont commises sur les habitants des villages, soupçonnés d'aider ou de ravitailler le maquis. Habitant le village de Vernay, Mr Colin a marié sa fille Josette la veille. Des tables sont dressées avec de nombreux couverts. Soupçonné d'avoir hébergé le maquis, il est fouetté jusqu'au sang, ainsi que ses employés, avec des câbles de chanvre tronçonnés. Il sera emmené à la prison de Poitiers puis déporté.

    16h00-16h30 : le ratissage de la forêt est terminé. Les corps des maquisards abattus (5), sont entassés au bord de la route, au carrefour où est installé le P.C. allemand, près de Vaugeton. Leurs camarades faits prisonniers (27) sont déjà rassemblés. Ils ont été conduits au PC au fur et à mesure de leur capture. Ils sont à nouveau torturés à coup de crosses de fusils puis achevés à coup de rafales de mitrailleuses. 
    Les soldats allemands prisonniers (7) du groupe " Bernard" sont libérés. On leur présente des personnes qu'ils auraient pu rencontrer lors de leur détention. Ils ne reconnaissent pas Paul Bruneteau qui les avaient convoyés du bois des Cartes à la forêt de Saint-Sauvant, pas plus que Louis Bourdon, mais Mr Alleau est reconnu. Il est emmené à la prison de la Pierre-Levée puis sera déporté.
    L'officier allemand, qui commande les opérations, convoque le maire de Celle l'Evescault et lui demande d'évacuer les corps sinon ils seront ensevelis dans une fosse commune. Monsieur Venault, oncle du maire actuel, qui possède une maison au Carrot, village proche de Vaugeton, accepte immédiatement et prend en charge les corps torturés pour leur offrir une sépulture digne. Il fait appel aux maires de Lusignan et St Sauvant pour répartir les 31 corps dans les cimetières des 3 communes. Dans chaque commune, des menuisiers sont réquisitionnés pour confectionner immédiatement les cercueils et y placer les corps. Le transport vers les cimetières a lieu, avant la nuit tombée, dans des charrettes tirées par des chevaux. Le cimetière de Celle l'Evescault va accueillir treize corps, celui de Lusignan dix et celui de Saint-Sauvant neuf.

    Le bilan humain de la journée est lourd : 
        - 33 résistants tués;
        - 8 patriotes emprisonnés (puis déportés);
        - 27 soldats allemands tués au cours de l'opération.

28 juin 1944 

    Dans la nuit du 27 au 28 juin, le parachutage d'armes a lieu sur la ferme du Poyau, comme prévu, mais avec 8 jours de retard. 
" Marc " au cours du dîner chez Mr Guilbot à St Pardoux. entend à la B.B.C. le message annonçant le parachutage au Poyau. Il décide de rejoindre immédiatement ses camarades. Mr Guilbot l'accompagne jusqu'à Reffanes et lui laisse son vélo qui roule mieux que celui d'emprunt. Il s'arrête dans le village de Jassay (79), chez la famille Quintard, pour que le jeune fils Marcel le guide, par les petits chemins, jusqu'à la ferme. Ils rateront de quelques minutes l'arrivée au sol des armes. Georges Debiais, le fermier Mr Bouron et son gendre Mr Brunet, leurs épouses accompagnées de leur petite fille (10 ans), réceptionnent les "précieux" containers. Aidés par " Marc" et Marcel Quintard, ils les transportent et les cachent dans les caves et le silo à betteraves .

    Dès le matin, les agents du S.D. et les miliciens sont de retour dans les villages et les hameaux près de la forêt pour rechercher les maquisards qui auraient pu échapper au ratissage. Ils circulent en civil, interrogent les gens, se présentant comme des résistants à la recherche de leurs camarades.

    Dans l'après-midi, Mr Tiré, de Maisoncelle, et son employé Mr Eprinchard découvrent, dans une haie mitoyenne avec un champ de la ferme du Chêne, le corps de Marcel Papineau. Il est transporté à la mairie de Lusignan. Son signalement est décrit dans l'acte de décès, où il est fait mention de ses initiales gravées sur sa chevalière qui lui a été retirée. Il sera inhumé dans le cimetière de la commune.

29 juin 1944

    Dans l'après-midi, une brigade spéciale S.S. fait irruption dans la ferme de Mélé, sur la commune d'Avon (79), où habite la famille Marsault. Cette dernière héberge 2 maquisards : Robert Poirrier et Tromas Urbiztando, rescapés du ratissage du 27 juin. Ils sont capturés et conduits à la prison de Poitiers, ainsi que Mr Fernand Marsault et ses enfants Gilbert et Antoinette.
    La rafle de la brigade S.S. se poursuit à la ferme de Boësse (située à quelques kilomètres du bourg de St-Sauvant). Le fermier, Mr Fernand Bonnet et sa belle-fille Marie sont, eux aussi, conduits à la Pierre-Levée. Tous sont déportés. 

Epilogue 

    La répression du maquis, qui s'est terminée en massacre sur le bas-côté d'une route passante, avait, entre autre, pour objectif, d'apeurer la population afin de la dissuader de toute nouvelle tentative d'action envers l'armée allemande. La sauvagerie des soldats SS et des miliciens n'a pas entamé la détermination de la résistance locale. Les rescapés sont conduits par " Marc " dans différents maquis du Sud-Vienne : maquis Joël, maquis Antoine, maquis Marcel et maquis Anatole. Le groupe " Picard " poursuit le combat engagé par le groupe " Bernard " dans le secteur St Sauvant, Rouillé, Lusignan. Gabriel Thiant alias commandant " Noël " prend en charge la coordination de l'ensemble des maquis FTP du groupement de Poitiers qui s'étend sur tout le nord du département de la Vienne et sur les secteurs de Rom et Sauzé-Vaussais dans les Deux-Sèvres. Il prend le nom de groupement " Noël ".

    Il est probable que si les prisonniers allemands avaient été fusillés par les maquisards du groupe "Bernard", les hommes et les femmes rassemblés dans les villages encerclés auraient servi d'otages et subi des représailles. Leur libération a eu lieu après que tous les maquisards capturés, morts ou vivants, aient été rassemblés au P.C. de Vaugeton et les prisonniers allemands libérés. Les habitants de la Litière signalent que des estafettes motorisées assuraient la liaison avec le PC. Cette hypothèse est avancée par plusieurs anciens résistants du groupe Noël. Le comportement digne des responsables du maquis a probablement sauvé beaucoup de vies parmi les habitants consignés dans les villages ce 27 juin 1944.

    Le 30 juin 1945, les maires des communes de Celle l'Evescault, Lusignan et Saint Sauvant demandent aux familles des victimes de venir reconnaître le corps de leur défunt. La soeur de l'une des victimes, Jacques Fontanot, jeune communiste italien, écrit : " Ce fut le 30 juin 1945, en présence des représentants des communes de Lusignan, St Sauvant et Celle l'Evescault, avec une profonde communion de sentiments avec les autres familles que, de cimetière en cimetière, on procéda aux exhumations. " Jacquot " fut le dernier à être reconnu au cimetière de Celle l'Evescault. Son pardessus, le stylo qui pointait d'une poche, cadeau de sa mère, permirent de l'identifier immédiatement ".

    Les patriotes emprisonnés au cours de ces 3 jours de répressions, puis déportés vers les camps d'exterminations, auront des destins bien différents. Fernand Bonnet, Tromas Urbiztondo, Robert Poirrier, Marco Marcovitch et Mr Colin en réchapperont. Mr Fernand Marsault1 sera libéré du camp de Buchenwald dans un état d'extrême faiblesse et succombera à Paris. Madame Bonnet décédera dans le camp de déportation.

    Ce massacre est le premier perpétré dans la Vienne par l'armée d'occupation et les miliciens. D'autres vont suivre rapidement. Le 7 juillet 1944 , 30 parachutistes anglais, 1er SAS du capitaine Tonkin et un aviateur américain, vont être fusillés, à l'abri de tout regard, en forêt de St Sauvant, à 4 kilomètres de Vaugeton. Leurs corps seront découverts, dans 3 fosses communes, par des chasseurs en décembre 1944. Ils sont inhumés dans le cimetière de Rom (79).

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[1] Gilbert Marsault a été emmené jusqu’à Compiègne où il a été libéré. Sa soeur, Antoinette, a été emprisonnée à la Pierre-Levée à Poitiers puis libérée.

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Lexique :

B.B.C.  British Broadcasting Corporation : radio anglaise émettant de Londres
F.F.I. Forces Françaises de l'Intérieur
F.T.P.  Francs Tireurs et Partisans
G.M.R. Groupes Mobile de Réserve
P.C. Poste de Commandement
S.A.P. Section des Affaires Politiques (policiers français, collaborait avec le S.D.)
S.A.S. Special Air Service : commando parachutistes britanniques
S.D. Sicherheits Dienst : Service de sécurité de la Wehrmacht
S.S. Schutzstaffel : escadron de protection du régime nazi
S.T.O. Service du Travail Obligatoire

               
Bibliographie :
- Roger PICARD, Hommes et combats en Poitou - 1939/1945, Martelle, 1994
- Roger PICARD, La Vienne dans la guerre 1939-1945. La vie quotidienne sous l'occupation, De Borée, 2001
- Gabriel THIANT, Combats sans gloire, 1984
- Gaston RACAULT, La Vienne pendant la 2ème guerre mondiale, 1944, n°3 Les maquis, la libération, Dossiers du C.R.D.P., Archives départementales, 1987
-Amicale Chateaubriant-Voves-Rouillé, Les barbelés de Vichy, Le camp de Rouillé, réserve d'otages ..., 1994
- Juliette HERVE-FRAUD, Jo, Notre frère, Instituteur, Résistant, Petit Véhicule, 1998
- ONAC 86 et 79, Les chemins de la Liberté en forêt de Saint-Sauvant, Ministère de la Défense, 2002
- Allocution d'André LOMBARD, Cérémonie de Vaugeton, 1990
- Allocution de Charles DUBOIS alias commandant " Christian ", Stèle de Liberté, 1995
- Allocution de Roger PICARD, historien CNRS, Stèle de Liberté, 1995
- Le 27 juin 1944 à la Litière, Suzanne POINSTEAU, p1-4, la Boulite n° 1, Saint-Sauvant, Automne 2001
- Le témoignage d'une jeune résistante, Simonne FUMOLEAU-LOMBARD, p32-33, la Boulite n° 2 Saint-Sauvant, Printemps 2002
- Hommage à Paul Fergeault, Jacqueline CZERWINSKI, p30-33, la Boulite n° 9, Saint-Sauvant, Automne 2005

Témoignages écrits :
- Mémoires de "Marc", Maurice FUZEAU alias " Marc "responsable aux réfractaires du S.T.O.
- Mémoires de Résistance, Albert CANQUETEAU, ancien résistant du groupe " Bernard "

Témoignages oraux :
Mesdames : Suzanne Brunier-Proust, Marguerite Cheminée, Madeleine Ecale-Alleau, Simonne Fumoleau-Lombard, Annie Gilly-Lombard, Denise Sabourin-Boutin, Eva Stehlé-Descoux, 
Messieurs : Marcel Descout, Robert Delétang, Raymond Delavault, Michel Fallourd, Lucien Philliponneau, Paul Péguin, Camille Sabourin, Fernand Sabourin

(Je présente mes excuses aux personnes qui m'ont fourni des informations et dont le nom n'est pas mentionné)

Remerciements :
Je remercie toutes les personnes qui m'ont aidé, par leurs écrits ou témoignages oraux, à mieux connaître cette page de l'histoire locale.

NB : Le texte de Jacques Papineau est visible en ligne sur le site : www.vrid-memorial.com, juin 2007 (VRID : Vienne Résistance et Déportation)

 

Mémorial de Vaugeton, commune de Celle l'Evescault
Liste des maquisards tués le 27 juin 1944

BERNAJOUS Kléber*     MASSA Raphael
BESSAC Marcel* NEMERY Victor
BOTTON Lucien* NOYER Serge
DE LA FUENTE Rufino PAPINEAU Marcel*
FAELLI Guido PEREZ Honorio
FERGEAULT Paul*  PORGE Jean
FONTANOT Jacques QUERALT Jean
FREIRE Manuel RINAULT Yves
GOMEZ Louis SERRA Antoine
HANNOT Silvain   ROJAS Riccardo
FERNANDEZ Juan ROSELL Vincent
HOET Jean (Hoët) ROSSI Hugo
KRUG Henri  SANCHEZ Angel
MARGUERITAT René THOMOUX Paul
MARTY Louis  VADJARAGANIAN Vahridj
MARRUEDO Jacques  

      Les noms suivis de * sont des résistants de la région

 

 


Manières de causer

LA LITOTE A CHIMENE

Suzanne Poinsteau


    Imaginez un jeune homme et une jeune fille qui " sortent ensemble, qui se fréquentent " comme on dit : ils se sont mutuellement promis le mariage. Voilà qui est on ne peut plus banal. Or, si le jeune homme prénommé Rodrigue embroche et tue le père de sa promise Chimène pour venger l'outrage subi par son propre père, voilà qui est plus rare. Mais si Chimène qui a entamé une procédure à l'encontre de son assassin de fiancé aime toujours ce dernier et lui crie : " va, je ne te hais point ", ce qui signifie je t'aime, c'est plutôt exceptionnel.
    C'est ce que narre un certain Corneille, Pierre de son prénom qui a écrit " le Cid " en 1637 (le Cid c'est Rodrigue : Rodrigo Diaz de Vivar, chevalier espagnol.)
    Vous ne m'empêcherez pas de penser que Chimène est à l'origine de la " litote ". Pour corroborer mes assertions, il suffit d'ouvrir le Petit Larousse au mot          " litote " : " Figure consistant à dire moins pour faire entendre plus. Ex. : va, je ne te hais point pour signifier je t'aime. "
    Alors ?... Alors si dans le dictionnaire on cite comme exemple la phrase prononcée par Chimène c'est bien que cette dernière a inventé la litote. C.Q.F.D. (un tantinet en dehors de la réalité ? - peut-être, sûrement même, mais il faut bien sourire un peu …)
    Chimène aurait pu dire en beau langage 17ème (siècle, pas arrondissement de Paris) : " J'éprouve à ton endroit un tendre sentiment amoureux nonobstant la gravité des faits dont tu t'es rendu coupable et qui me broient le cœur. "
    Si elle avait connu le langage " djeune " actuel : " T'inquiète mec… je te kiffe grave quand même et je reste ta meuf. " Trad. " Ne te ronge pas les sangs chéri, je t'aime très fort malgré tout et suis toujours ta femme. "
    Si elle avait maîtrisé le patois poitevin : 
    " I tins à ta, i t'in répins même si ol a mésarivé à mon p'pa à cause de ta ". Trad. " Je tiens à toi, je puis te le promettre, même s'il est arrivé un affreux malheur à mon père et ce à cause de toi. "


Si c'est pas oui, c'est pas obligatoirement non

    Ou de la difficulté d'appliquer la sentence : " Que votre oui soit oui, que votre non soit non. "
    Un matin donc, Noré se rend chez Lexandre : " D'zezdin, peuriez-vous v'ni me douner un coup de main peure mes foins : ma, i dounerais, et vous, vous apileriez pasque i ai vu dire que vous saviez bin mouler les charettes, o s'rait d'aneut en 8, un mardi et o me rendrait grand service ". Trad. " Dites donc, pourriez-vous venir me donner un coup de main pour mes foins : moi je vous présenterais les fourchées, et vous, vous les entasseriez sur la charrette car je sais que vous savez comme personne mouler le foin et les gerbes aussi, ça me rendrait grand service ".
    Lexandre : " Ah ! i dis pas nin…
    Si o y a pas d'empêchement…
    O faut qu'i vouèye avec la bourgeoise… 
    Ale a envie d'aller au marché à Rouillé et à tchau de L'zay peure acheter un pordegné, une coulette, un friquet, une ouillette à boudins et dau cotin mârin peure faire daus passis à ma tchulotte daus dimanches et pis ma, o m'fedrait daus piants de choux primes, de la graine de radis nègres et un paneto ". Trad. " Ah ! Je ne dis pas non…s'il n'y a pas d'imprévu…il faut que j'en parle à ma femme…Je sais qu'elle a envie d'aller au marché de Rouillé et à celui de Lezay. Elle a en vue d'acheter un seau à lait, une passoire pour le lait, une écumoire, un entonnoir à boudins et du coton marron pour repriser mon pantalon de sortie. Pour moi, je désirerais des plants de choux précoces, de la graine de raifort et une veste de velours ".
    Bref, il ne fallait jamais attendre plus de cet échange. " I allons bé bouère un coup ? " qu'o dit Noré.
    Et on trinquait dans l'incertitude pour Noré parce que sans réponse de Lexandre. A cette époque, on ne se précipitait pas comme de nos jours sur son agenda. Il n'y avait dans les maisons que le calendrier de la Poste accroché dans l'embrasure de la fenêtre ou à la crémone. Il était vierge de toute annotation mais maculé de chiures de mouches. Ah ! les mouches de mon enfance !...
    Alors une conversation pouvait débuter ainsi : " Avec tchelle âreur dès à matin, o f'ra pas un temps à combujher les barriques ". Trad. " L'air ultra sec et desséchant n'est pas propice à sortir les barriques afin que sous la pluie elles s'imbibent et deviennent étanches une fois sèches ". Les deux hommes se séparaient, mais le mardi sus-nommé, Lexandre était déjà dans le champ avec sa fourche et attendait Noré : c'était là le respect d'une parole qui de fait n'avait jamais été donnée.

Les euphémismes

    Ils sont intemporels. Définition du Petit Larousse : " Synonyme de litote, c'est l'adoucissement d'une expression jugée trop crue ou trop choquante ". Il est en effet politiquement correct d'édulcorer ce que jadis on trouvait trop lourd, voire péjoratif. Ainsi quand il s'agit des gens, le mot " vieux " est de moins en moins employé. On dit " personnes âgées ", les cheveux d'argent (quoique…souvent colorés), le repas de la commune offert à ses vieux devient le repas des Anciens ou des Séniors. De même, les sourds deviennent des malentendants et les aveugles des non voyants, comme si hélas cela ne signifiait pas la même chose. Exemple de ce vieux monsieur que les doux attraits d'une jeunette avaient ému et pour laquelle il avait flashé : " Ah bé ma foué, i sé pas pu jhène, mais si ale o v'lait, i dirais pas nin ". Trad. " En effet je ne suis pas un perdreau de l'année, je dois même passer pour un bardon à ses yeux, mais si je n'avais pas peur d'être éconduit je me risquerais bien à lui faire un brin de cour ".

La pudeur, la pudibondrie étaient patentes

    " Et pis…o y avait les drôles, voui les drôles qui fasiont sembiant de s'amuser et qu'aviont les oreilles bin affutaïes ". Trad. " Il y avait les gamins, coquins de gamins qui faisaient semblant de jouer mais ne perdaient pas une miette des conversations ".
    Alors les femmes entre elles qui ont, dit-on, la langue bien pendue avaient ce langage " périphérique ". La plus informée commençait ainsi : " Savez-vous que la Mouénelle est core de même ? " Trad. " Vous n'ignorez pas je suppose que Léonide Moineau est encore enceinte ? Ol est bé vrai desard pasqu'ol est sa cousine qu'o-z-a dit à ma belle-sœur ". Léonide Moineau était surnommée " la Prâsse " à cause de son nom ; la prâsse c'est le moineau au féminin en Poitevin.
    Le concert des bonnes goules se mettaient alors en marche : " Ah ! mé din, mé din ! ale est s'ment pas mariaïe ! Si sa pauv' nené était core dau minde ! Ah ! bounes gens !... "
    " Et pis savez-vous pas que le grand drôle à Sarah Gondain a daus arbeuillins mal piacés " et, joignant le geste à la parole, elle montrait la région de son entrejambe, mais quand nous levions le nez, les deux mains de la bavarde reposaient sagement sur ses genoux ; " mal piacés " - notre jeune expérience de l'écoute nous avaient appris que ça se situait, oui, vers le bas, par devant ? par derrière ? à tout le moins dans ces endroits jamais nommés. C'étaient la honte que d'en parler et même d'oser y penser.
    D'où les fous rires juvéniles et la main sur la bouche ouverte en chuchotant caca boudin …
    Quand on prend la mesure de ce qu'on explique de nos jours aux enfants les plus petits, on se rend compte qu'il y a un véritable abîme entre les deux attitudes.
    Une fois, une mère parlant de son fils avait dit : " L'a daus arbeuillins à la selle …". A la selle, qu'est-ce à dire ? Cela m'a interpellée pendant longtemps jusqu'au jour où, plus grande et peut-être aussi un peu moins nigaude, j'ai su que les furoncles aux fesses sévissaient préférentiellement chez les gens roulant à bicyclette. Etonnant, non ?
    Le " mauvais mâ " était un cancer ; d'une personne tuberculeuse on disait qu'elle était " poitrinaire " ou " qu'ale avait attrapé un châ et fré ".
    De nos jours, les gendres et les brus appellent leurs beaux-parents par leur prénom en les vouvoyant mais parfois en les tutoyant (plus rare mais plus sympathique). Autrefois, pas question d'appeler " Génie " ou " Firmin " : il n'était rien prévu pour les nommer ou les apostropher dans nos campagnes. Nib, rien de rien … Alors pour s'adresser à eux et leur faire tourner la tête dans la direction de l'appelant on lançait : " D'zez din ma belle-mère ou d'zez din mon biâ-père ". D'zez din…interpellation qui signifie : " dites-donc ". Mais ouf ! Dès qu'un enfant naissait, c'était une occasion de les appeler nené ou pepé devenu de nos jours papy et mamie.
    La communication entre proches n'est pas toujours aisée, et en tout cas beaucoup plus ardue que par Internet où l'on est paraît-il " à tu et à toi " avec de parfaits inconnus à des milliers de kilomètres de là et pour leur confier une intimité insoupçonnée. Impressionnant !

L'hyperbole

    Le Petit Larousse dit : " Procédé qui consiste à exagérer l'expression pour produire une forte impression. Ex. : un géant pour un homme de haute taille ".
    " Une annaïe, i avais daus citrouilles que t'arais pas pu n'en mettre mé de dix dans une charrette avec les chaquies. Voui mon gars !.. ".Trad. " une certaine année (qu'on ne situe pas et c'est peut-être mieux ainsi) j'ai récolté des citrouilles si grosses que dix suffisaient pour remplir une charrette avec les ridelles, oui mon coco ! ..."
    L'hyperbole était employée pour se vanter ou narguer les vantards, par ironie plus ou moins corrosive ou dans les histoires racontées au fil des générations.
" Deux us, trois p'tits et core o n'avait un qu'était coui ". Trad. " De deux œufs couvés dont un qui ne va pas jusqu'à l'éclosion naissaient trois poussins ". Qui dit mieux ?
    " Ses bus brichets ariont bé labouré dix bouésselaïes sans s'arrêter si le s'était pas rendu peure ressouner ". Trad. " Ses bœufs reconnaissables à leur tache blanche sur le front auraient facilement labouré plus de deux hectares sans souffler s'il n'avait dû rentrer pour déjeuner ".
    Que dire des rendements de lait phénoménaux atteignant deux ou trois fois la moyenne générale, le nombre d'œufs des poules pondant de véritables chapelets ?…
    Et les drôles…les drôles qu'apprenont tout ce que le v'lont, en un mot comme en cent promis ol est sûr à l'entrée à Polytechnique et dans les premiers encore !
    On raconte que dans une grosse ferme de la région, les oies étaient plus que bien " profitées ", elles étaient énormes. Tant et si bien que le chien de la maison s'étant aux environs de Noël emparé d'un os de patte d'un de ces mastodontes et le prenant en travers dans sa gueule n'avait pas pu passer à la porte. C'est fort, n'est-ce pas ?
    On n'était pas tendre avec les gens gros en général, mais surtout quand il s'agissait des femmes.
    " Ale avait daus ch'mises qu'on arait pu n'en faire daus balins ". Trad. " Ses chemises étaient à ce point démesurées qu'on auraient pu en faire une grande toile comme celle utilisée pour porter les balles et les céréales. " (Il faut souligner qu'un balin était obtenu en assemblant quatre sacs de jute pour le grain, préalablement décousus).
    " Quinte a mintait dans une mue, o flait bé quatre bons gars peure la remettre d'apien ". Trad. " Quand elle montait dans une carriole il fallait quatre hommes vigoureusement constitués pour rétablir l'équilibre ".
    J'ai connu il y a un certain nombre d'années une famille totalement mythomane. Cette famille comptait 5 membres. Le père Gustave, la mère, 2 garçons de 17 et 15 ans et une petite " recoquette " de 7 ans ; (recoquette : dernière enfant née longtemps après l'avant dernier). Des gens charmants… Gustave était chasseur, et quel chasseur ! C'était une fine gâchette et tout le monde le considérait comme tel. Mais ce qui était très spécial, c'est que le tableau de chasse des diverses ouvertures croissait au fur et à mesure que Gustave narrait ses exploits. " Eh ! p'pa, t'oublies de dire comment t'as tiré le gros lièvre et même que m'man a pu en faire 4 ou 5 terrines. Et la tourte et les deux lapins que la chienne Clarinette avait levés ". Même la mère en rajoutait : " Dis, Gustave, renchérissait-elle, raconte comment d'un seul coup de fusil tu as abattu 4 perdrix rouges dans la plaine Sarrazin ". Tout ça dit en toute ingénuité car, à force de dire et redire ces choses, ils en étaient imprégnés et loin d'eux l'idée que ça puisse être des menteries, ou même des exagérations.
    Il y avait déjà le coup du Roi chez le père de Marcel Pagnol avec ses bartavelles, il y a depuis les mémorables tableaux de chasse chez Gustave.
    Aux environs des années 1950, disons un peu avant et un peu après, la beauté d'un bébé devait satisfaire aux canons de l'époque, il devait être épanoui, souriant, très potelé et même gras. Le modèle était le Bébé Cadum de la " réclame " pas encore pub. Il devait arborer un certain nombre de " rolets ", le plus possible pour la gloriole des parents et prétendre figurer dans les premiers " au Concours du plus beau bébé ". Le rolet était une sorte de bourrelet de graisse sur la face interne des cuisses, tout comme pour la pub du Petit Bonhomme Michelin construit avec des pneus entassés. Vous voyez ?
    J'ai toujours entendu dire dans ma région depuis un certain nombre de décennies qu'un bébé avec ses 7 rolets avait fait la joie de sa mère et de ses grands-parents mais surtout l'orgueil de son père et l'envie générale. " Ma menine à ma, ale a 7 rolets aux tcheusses, qu'o d'sait son p'pa ". Entendez 7 rolets à chacune des 2 tcheusses ! Trad. " Mon bébé fille a 7 rolets aux cuisses ". Ainsi s'expliquait son géniteur.
    Mais 7 rolets n'ont-ils jamais été homologués ? J'espère que non pour le bébé en question et son équilibre.
    Il se trouve que, par le plus grand des hasards, j'ai un jour croisé " la menine aux 7 rolets " dont je connaissais l'existence et le nom. Elle était devenue une grand-mère toute ridée, bien belle ma foi et relativement mince. En tout état de cause, pas un phénomène de foire. Youpi !
    La morale ? Y a pas de morale. Disons que pour certains, il faut toujours qu'ils en " rajoutent une louche " pour exister. Je suis sûre que vous connaissez ce genre de spécimens. Quand c'est outrancier, ça devient ridicule voire parfois pathétique. Mais de toute façon toujours exaspérant.

 


Mots croisés

La grille à Suzanne

Suzanne POINSTEAU

 

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Les mots de la grille sont écrits en français

L’utilisation du dictionnaire est permise.

 

 

De gâche à drète

I - bouraïe ; et si devant tchau mot on met la note dau diapason, o fait le nom d’un lieu-dit de la commune. - linceux, à changer moins souvent que la bouraïe. II - suivi de « du Poitou » est une commune de la Vienne. - quiassaïe. III -. Enfiure - (pl) voure qu’on va se saquer peure pas s’ébeurver ou bé avare frè. IV - qui queurve de sè. - a London , ol est l’argot. V -adjectif possessif, peurmère persoune dau pluriel. - bicyclette qui peut rouler même qu’ol est racossou. - robe de magistrat, d’avocat ou de professeur. VI - ni châs ni frès, mâtes comme qui dirait. - pas grousse en parlant de la mine d’un crayin. VII - terminus d’infinitif. - souventes fois segu de « et coutumes ». - le symbole de nout’ biâ pays, cocorico ! - diminutif employé devant Nitouche. VIII - symbole d’un métal douné peure les épinards. - couète (d’un chin ou d’une pèle). - « oui » dau Sud-Ouest. IX - sigle d’un institut de la consommatien, mais tout déteurviré. - chambres mais péjoratif. - si o n’a tout pien, o fait daus grandes rivières. X - exclamatien. Bâtin bian peure écrire dessus le tableau nègre. - 2,4,6,8 mais pas 1,3,5,7… XI - genre d’air chanté peure un gars (tout seul) à l’opéra.- l’avant de l’arrière. - mesure de lingeou en chine. XII - là voure qu’o demeurent les Cariocas. - petit cigare à pas fumer peurtout, avoure. XIII - un’ endret sec, voure qu’o pousse rin. - tchés qui sont durs de la feuille en sont atteints.

 

De hât en bas

 

1 - …et approuvé. - genre de ratèle sus les maisins peure recevre la télévision. - Cléopâtre devait prindre une ombrelle peure pas se négeurzir la piâ quinte le dounait. 2 - queurnin avec un rideau peure préparer son bulletin de vote. - …à saucisses est un exemple. 3 - mouche à dormir debout. - petit mot qui dit qu’o dégoûte. - un môssieur qui s’assit dessus un trône. 4 - boune odeur de la mer, daus huîtres ou daus moules. - si al est d’même, o faut la payer. - piacé devant devant est un noble qu’est pu noble. 5 - en petrasse, embousinés.- chaire voure que le souverain pose son postérieur auguste. 6 - le sont écrits dessus le menu, qu’els sayont bins ou moins bins. - mourça d’viâ bin estimé. 7 - direction d’une girouette. - consuls romains de d’ât’ foués. 8 - harpons peure les gros pouessins ou les pouessins pias. - « à le »… 9 - sévère, rigoureux, comme peure un régime. - commune toute chamboulaïe daus Rhétais. 10 - déchet de fonte ou d’acier.- o n’en manque un tiers peure qu’o seye de l’esprit. 11 - ventilatiens forçaïes dans la galerie d’une mine. - 7ème degré de la gamme peure mettre Paris en bouteille. 12 - on dit qu’a mérite salaire. - bâtiment peure les taureaux à couté d’l’arène. 13 - les deux bouts d’un string. - la « Sociale » tire tejou le djiable peure la couète, et o l’i manque tout pien d’argent peure jindre les deux bouts.

 

Solution des Mots croisés

 

 

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Retour sur la fête de l'école

DAUS DRAULES TRILINGUES

Jacqueline CZERWINSKI

 

    A l'heure où les enfants se familiarisent avec l'anglais, que ce soit à l'école ou au " Franglish-club juniors ", il est de bon ton de se demander ce que va devenir notre patois local pour les nouvelles générations. Longtemps décrié, il avait une connotation péjorative et celui qui parlait patois passait pour un niais et un mal éduqué. Interdit de patoiser à l'école, il fallait parler " pointu " ! Mais, de retour à la maison, on reprenait très vite le langage des parents. De ce fait, les enfants d'aujourd'hui sont devenus trilingues, associant avec bonheur français, anglais et patois, ce dernier ayant retrouvé ses lettres de noblesse pour éviter qu'il ne tombe dans l'oubli.
    A Saint-Sauvant, le directeur de l'école, Claude Guérin, à la retraite depuis septembre dernier, a compris l'enjeu de la situation. Pour sa dernière fête scolaire, il a concocté, avec ses élèves du cours moyen, une pièce de théâtre truculente où se mêlent harmonieusement les trois langues. Du patois à         l'école ! ! ! Du jamais vu ! 
    Aussi, avec leur accord, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer leur production dans son intégralité.
    Merci Claude, merci les enfants !



LA CHALINE

Le personnage principal :
    J'ai tout de suite compris qu'il allait se passer quelque chose. Mais quoi ?
    La nuit avait été calme. Mes rêves en couleur et en musique m'avaient transformé en sorcier d'avril. Ma toilette faite dans une goutte d'eau, je voyageais à une vitesse vertigineuse vers les cumulus de beau temps qui s'attardaient au-dessus du paysage vallonné de St-Sauvant. Accroché à la crinière d'un pur sang du Poyau, grisé par son galop, je parcourais les champs de blé frissonnant dans la brise de l'été …
    Le réveil a été brutal. Encore ensommeillé, je me retourne sur mon oreiller. Celui-ci pousse le livre posé sur la table de chevet. Le livre bouscule ma game-boy qui tombe sur le sol en poussant un cri humain :
    - Ouinh !
    Je sursaute, me redresse et cherche dans la clarté blafarde du petit matin qui a pu être à l'origine de ce bruit étrange. Mes yeux, à peine entrouverts, ne repèrent rien de particulier. Dépité, mais intrigué je me laisse retomber sur l'oreiller.
    - Bzzzzzz ! Bzzzzzz !
    Une mouche vole en zigzag autour de ma tête et semble vouloir chanter :
    - Cocorico !
    Cette fois, ce n'est plus possible de rester au lit avec un tintamarre pareil. D'un bond, je sors du lit et me redresse plein d'énergie, prêt à en découdre avec la révolte des objets et la révolte des insectes.

    Peu rassuré, j'entre dans la cuisine pour y tenter de prendre mon petit déjeuner.

    Les objets sont déjà sur la table : bol, cuillère, boîte de chocolat, céréales, lait. Quand le personnage veut saisir un objet, celui-ci se déplace, tiré par un fil invisible. 
    Après un long moment de tentatives infructueuses.

Le personnage principal : Mais enfin qu'est-ce qui se passe ici ?
Le chat : It's the animal revolt !
Le personnage principal : Quoi ?
Le chat : It is the animal revolt.
Le personnage principal : La révolte des animaux ! Mais qui a parlé ?
Le chat : It's me.
Le personnage principal : It's you. My cat speaks, now ! My cat speaks english ! It's not possible !
Le chat : Yes, I speak like humans.
Le personnage principal : And what will arrive today, please ?
Le chat : Ah ! Ah ! Many many big noises, loud noises.
Le personnage principal : What is crying ? Are they McDonald's farm animals?
Le chat : No, no ! Wait and see ; wait and hear.


                    Old Mc Dougald had a farm
                    I A I A O
                    In that farm, there were some ducks
                    I A I A O
                    And a quack quack here, 
                    And a quack quack there,
                    Here a quack, there a quack
                    Ev'rywhere a quack quack
                    Old Mc Dougald had a farm
                    I A I A O

                    In that farm, there were some bees
                    I A I A O
                    And a bzz bzz here,
                    And a bzz bzz there,
                    Here a bzz, there a bzz
                    Ev'rywhere a bzz bzz
                    Old Mc Dougald had a farm
                    I A I A O

Le personnage principal : Aïe ! Aïe ! 

Bruitages : Bizzz ! Bizzz ! 
Le personnage poursuit des insectes qu'il tente d'écraser entre ses mains.

Les trois draules
        Guerlet, guerlet, saurs de ton cru ou la serpent mainghera tés us !
        Guerlet, guerlet, saurs de ton cru ou la serpent mainghera tés us !


Le personnage principal :
        Oh non ! Ça recommence.

Les trois draules
        Guerlet, guerlet, saurs de ton cru ou la serpent mainghera tés us !
        Guerlet, guerlet, saurs de ton cru ou la serpent mainghera tés us !

Le personnage principal :
        Dites-donc les draules que cherchez-vous ?

Les trois draules
    Les pintades : bot piat' - bot piat' - bot piat' - bot piat'
    Le pintard : i les ferré, i les ferré, i les ferré
    Le merle
        I'é passé m'n'hiver ben pauvrement, ben malheureusement queu jhambe
        Me voilà ressuscité Dieu merci
        Cui cui cui
    Le rossignol
        I'avais une femme, i l'é battue
        Tu tu tu tu
        I l'é fait mourir mouri mouri mouri
        Si i'en é une autre i battré
        Pu pu pu
        Ren qu'un p'tit p'tit p'tit p'tit p'tit
La mésange
        Six p'tits, six p'tits, six p'tits
        L'père la mère
        Huit en tout, huit en tout
Per faire travailler : bin'tu, bin'tu, bin'tu, bin'tu
Au contraire : tint't'assis, tint't'assis, tint't'assis, tint't'assis

Le personnage principal : Il me semble que vous avez oublié le coucou.

        Les six autres draules se mettent à chercher des objets au sol.

Le personnage principal : Vous avez perdu quelque chose ?

        Les six autres draules ramassent un à un les objets au sol et les montrent au public en posant à chaque fois la question :

1er objet présenté : un caillou
- Qu'é t'o qu'ol é qu'cheu ?
Le premier des trois draules : Ol é un chail.

2ème objet présenté : un escargot 
- Qu'é t'o qu'ol é qu'cheu ?
Le deuxième des trois draules : Ol é un luma.

3ème objet présenté : une pomme 
- Qu'é t'o qu'ol é qu'cheu ?
Le troisième des trois draules : Ol é une poume.

4ème objet présenté : une betterave 
- Qu'é t'o qu'ol é qu'cheu ?
Le premier des trois draules : Ol é une jhoute.

5ème objet présenté : un plant de maïs
- Qu'é t’o qu'ol é qu'cheu ?
Le deuxième des trois draules : Ol é do garouil.

6ème objet présenté : un pied de tournesol
- Qu'é t'o qu'o lé qu'cheu ?
Le troisième des trois draules : O l' é un soulail.

Le personnage principal :
        En regardant le ciel 
        Oui bien le soleil a disparu.

Les trois draules
        Le ciel s'abernasit !
        Ol éloise !
        V'là la chaline !

                Sous les parapluies + pluie

 

Mouille mouille Paradis
Tout le monde est à l'abri
Y a que mon p'tit frère
Qu'est sous la gouttière

Mouille mouille la cagouille
Toutes les femmes battont l'o Houme
Mouille mouille la cagouille
Toutes les femmes battont l'o Houme

I'm singing in the rain
Just singing in the rain 
What a glorious feeling
I'm happy again

I'm laughing at clouds
So dark up above
  'Cause the sun's in my heart
 And I'm ready for love